
Et si la ressource la plus précieuse dans le monde n’était pas un minerai coté en bourse, mais des mètres carrés de terre où vivre et travailler ? Une carence dont souffrait l’île de Singapour avant de trouver la solution : enterrer sa ville.
Et toi, tu creuses. En général, on voit cette île comme un paradis pour les sociétés financières, une sorte de « City » où les palmiers remplacent le béton et la mer, la Tamise. Changeons d’image : Singapour est désormais devenue la référence mondiale en matière d’urbanisme souterrain. Cela vous en bouche un coin ?
Une spécialité dont le minuscule pays de 717 km² (soit un peu plus de la moitié de la ville de New York) se serait bien passé. Mais les prévisions envisagent 6,9 millions d’habitants d’ici 2030, ce qui signifie devoir trouver de la place pour loger 1,3 million de personnes sur une île déjà bien occupée. Les tours montant déjà bien haut, pour les agrandir, il a fallu regarder plus bas.
De l’argent dans un trou. Comme le rappelait le site nextcity.org, la cité-état a récemment investi la somme colossale de 188 millions de dollars en ingénierie et Recherches & Développement pour développer cette forme d’urbanisme. Bien obligée : le gouvernement a récemment modifié sa loi afin de changer le droit de propriété. Désormais, les propriétaires terriens ne possèdent plus que la partie située en surface mais non les sous-sols qui reviennent à l’État. Les autorisation de construire aussi ont changé de paradigme : tout nouveau projet de bâti doit d’abord être envisagé comme souterrain, sauf négociation argumentée justifiant d’un besoin en extérieur.
Sous terre, Singapour a déjà pu ensevelir des stocks militaires de la taille de 400 terrains de foot
La lumière au bout du tunnel. Le saviez-vous ? Il existe une Association Internationale des tunnels et de l’espace souterrain. Mise en lumière lors du dernier World Urban forum 9 de Kuala Lumpur, elle a permis à l’ingénieur Yingxin Zhou de recenser toutes les innovations réalisées dans ce domaine. Outre le réseau ferré déjà enterré depuis 20 ans mais qui devrait encore s’agrandir de 180 km de voies supplémentaires au cours de la prochaine décennie, la ville s’est lancée dans un grand chantier : enfouir les réserves militaires. Une décennie de travail à creuser, assainir les sols (pour y déposer munitions et explosifs, il valait mieux) et un résultat de la taille de 400 terrains de foot.
L’exemple le plus intéressant à imiter serait le plus grand centre de refroidissement enterré sous la Marina Bay. Soit 5 kilomètres de réseau hydraulique (non potable, mais servant par exemple pour les nombreuses climatisations), naturellement maintenu à basse température avec 40 % d’économie d’énergie face aux systèmes précédents. Une tendance à utiliser le sous-sol qui n’est pas sans rappeler les efforts de Hong Kong ou les exploitations géothermiques des villes scandinaves (la pionnière est Helsinki, en tête depuis 50 ans) et de l’Islande. Alors, pour garder la tête froide face au réchauffement, l’expansion urbaine et la surpopulation, il faudra sans doute suivre le conseil de Singapour et prendre des pelles. Pour vous donner du baume au cœur, dites vous par exemple que ça, « c’est Fraggle rock ! »


