
La comparaison revient souvent sur les réseaux sociaux et dans la bouche des politiques. Mais ce n'est pas aussi simple.
C’est une comparaison un peu facile et impressionnante, qui revient souvent sur les réseaux sociaux. Une rumeur parfois amplifiée par la voix de quelques femmes ou hommes politiques populistes. En mai 2019, Jordan Bardella (RN) avait notamment affirmé qu’un « cargo maritime de fret pollu[ait] autant que l’intégralité du parc automobile français », soit 50 millions de voitures. Ainsi, quelques navires émettraient autant de particules fines que toutes les voitures individuelles de la planète combinées ?
Un cargo pollue-t-il autant que l’ensemble des voitures françaises, comme l’affirme Jordan Bardella?
— davidtabet-ait (@AitDavidtabet) June 8, 2019
Sur le papier, cette mise en garde est séduisante : les arguments en faveur d’une baisse de la pollution sont toujours bons à entendre. Mais elle cache un déni de responsabilité. « Pourquoi abandonnerais-je ma voiture, puisque les gros cargos polluent bien davantage ? », semblent dire ces chiffres. Mais qu’en est-il vraiment ?
Les cargos, un “soufre-douleur” ? Tout d’abord, si les cargos et porte-conteneurs constituant le fret maritime polluent énormément, c’est que le carburant qui les propulse, appelé “pétrole-bunker”, est l’un des plus sales au monde, absolument pas raffiné, à la différence de l’essence ou du diesel. Un fuel-oil rempli d’oxyde de soufre, à l’origine de problèmes respiratoires chez l’humain. Or, à ce petit jeu, la part d’oxyde de soufre est de 0,01 % pour les voitures, contre 3,5 % pour certains navires. Avantage voitures. Mais cette seule donnée est à nuancer.
Certaines zones de la planète très fréquentées par les cargos tentent en effet de faire respecter un taux de 0,1% d’oxyde de soufre à ces derniers. « À ce niveau, un porte-conteneurs produirait autant d’oxydes de soufre qu’un million de voitures environ », assurait Le Monde en 2018. Une pollution considérable, soit, mais pas aussi élevée qu’annoncée par les défenseurs de la toute puissante voiture. Le triste chiffre de 50 millions de voitures équivalant à un seul cargo aurait été sans doute atteint si l’Organisation maritime internationale (OMI) n’avait pas mis le holà en 2016, afin de réduire ce taux supposé incontrôlable.
Plus d’excuses. De plus, les émissions de CO2 de l’industrie maritime représentent « un milliard de tonnes par an, soit environ 3% de l’ensemble des émissions mondiales », ajoutait alors Le Monde. De quoi la ranger au niveau du trafic aérien, bien en-deçà de la pollution au CO2 causée par les véhicules individuels sur le sol français.
Taper sur le transport maritime ou aérien, notamment sur sa fameuse exonération de taxes (pour le fioul et le kérosène), en oubliant de transformer nos usages quotidiens ne réglera donc pas le problème de la pollution dans sa globalité. Il est temps d’arrêter de nous trouver des excuses pour ne pas abandonner la voiture à essence/diesel (ou n’en garder qu’une seule par foyer en cas d’absolue nécessité), sous prétexte que les autres industries font pire.