Ligne de départ. L’histoire commence à Londres, en mars 2014 près de Wembley. Plus précisément au Ace Café, repère de motards bien connu des essoreurs de poignée de gaz. Steph Jeavons pourrait venir y discuter de sa Honda CRF 250L favorite, mais elle vient dire au revoir. Celle qui est née au Canada et a grandi au Pays de Galles a vendu tout ce qu’elle avait, fait révisé une dernière fois son trail monocylindre préféré, qu’elle a surnommé « Rhonda the Honda » et s’apprête à prendre la route.

Elle ne sait pas encore vraiment que son voyage lui prendra 4 années. Pour l’heure, elle roule avec quelques amis à travers la France, après avoir traversé la Manche. Leur road trip passera par la Belgique et l’Allemagne, et jusqu’aux confins de la Turquie. Là, ses amis la quittent mais Miss Jeavons n’a pas envie de poser le pied à terre.

Bike to the future. Si sa traversée l’a amené jusqu’au sud de l’Inde – d’où elle pu rejoindre la Malaisie et l’Indonésie, Steph Jeavons a surtout parcouru seule l’Iran, un pays qui ne voit pas d’un très bon œil qu’une femme circule seule à moto. Pourtant, dans sa biographie – Home By Seven, signifiant ironiquement « sois rentrée pour 7 heures » – elle se souvient de rencontres agréables, et de gens plus curieux qu’autoritaires. Il faut dire que la motarde avait déjà eu un certain parcours de vie…

Round The World Brit rider Steph Jeavons on landing her CRF250 on Antarctica. http://t.co/jkByGmwHtI pic.twitter.com/rfXAoTp7Mk

— GlobalWomenWhoRide (@WomenWhoRide) September 8, 2015

Des barreaux aux poignées. « Mes parents roulaient en moto, raconte Steph. Mon premier mec avait une Yamaha RD 250, une coupe mulet et il portait sa veste en cuir où qu’il aille ». Normale donc qu’elle ait passé son permis moto dès ses 21 ans. En 2008, elle avait roulé 2400 kilomètres pour aller en Afrique du Sud. Son bilan ? « Je suis rentrée chez moi avec des bleus au cul et des hématomes partout, mais j’étais accro ». Et la peur de voyager seule ? Elle ne fait pas le poids quand comme elle on a connu la désintox et la prison à 20 ans… Une époque où Steph a su qu’elle ne serait plus jamais enfermée. Et puis on n’est jamais seule quand on a Rhonda avec soi.

Cette moto elle-même a connu des aventures improbables : elle a pris la mer une première fois quand Steph a rejoint l’Australie, puis une seconde pour atteindre l’Argentine. Plus improbable : entre les deux, elle a roulé sur la glace de l’Antarctique, jusque là seulement foulée par des pingouins.

Happy International Women's Day!
Let's hear it for ALL the two wheeled gals out there: Steph Jeavons!https://t.co/Fh9xhmfQcw pic.twitter.com/FqOtKlFplq

— Motorcycle Explorer (@MEMemagazine) March 8, 2017

Une longue remontée de l’Amérique, avec l’océan Pacifique comme ligne blanche, et Miss Jeavons aboutit au Canada. Un avion pour l’Afrique Sud ouvrira la dernière étape de ce challenge. Et quand elle atteint finalement Alexandrie en Egypte, c’était fait : Steph Jeavons avait réellement traversé 54 pays sur les 7 continents. Et Rhonda affichait 120 000 kilomètres au compteur.

En avril 2018, Miss Jeavons est rentrée au royaume de sa majesté et s’est lancée dans une biographie pour raconter ces 4 années. L’histoire d’une femme qui a pris sa vie en main et n’a jamais fait demi-tour. L’histoire ne dit pas si elle est retournée au Ace Café mais peut-être que ses élèves y vont , puisqu’elle a ouvert une école de conduite off-road. Car Rhonda et Steph le savent bien : la vie ne se traverse pas en suivant les lignes droites.

Photos : (c) stephjeavons.com