
Plutôt que de les laisser s’occuper des zones en friche ou de combler les failles de la ville, confions aux street artists les clés de la maison pour mieux réinventer notre environnement urbain.
Promesse tenue. « Habiter dans un graffiti », voilà l’objectif que s’étaient fixé l’architecte australien Zvi Belling et un street artiste local. Sur cette résidence, baptisée « Hive Loft », la fresque n’est pas une banale fioriture cosmétique, mais un élément architectural fondamental de l’édifice. Devant cette initiative, on se prend à rêver d’habiter une maison tout en pixel dessinée par Invader ou de descendre dans une station de métro entièrement pensée par Banksy.
Paris sous les bombes. Fini le temps où les graffeurs étaient considérés par les élus comme une nuisance. À Paris, le 13e arrondissement totalise 28 immenses fresques sur des façades d’immeubles. Dites merci au maire, Jérôme Coumet, qui a encouragé leur réalisation en impliquant les habitants du quartier : ils ont ainsi pu voter pour celles de leur choix parmi plusieurs esquisses réalisées par les grands noms de la discipline. Depuis, les résidents de l’arrondissement affirment se sentir un peu plus liés à leur environnement. Comme s’enthousiasmait le maire, interrogé par Urban Culture Magazine : « J’aime quand des habitants me disent avec fierté : ”J’habite l’immeuble du Chat ou de La Résistante d’Obey”…»
Nés sous la même étoile. C’est une évidence : en pointant les failles (figurées mais aussi dans le bitume) et les bizarreries et petites hontes architecturales, mais aussi les raccourcis empruntés par les piétons plutôt que les routes bétonnées pensées pour eux, le street art joue la carte de l’accointance. Résultat, en plus de ses qualités esthétiques, il reconnecte les gens à leur territoire et à leur histoire.
C’est notamment le cas de l’artiste Mateo qui transforme les murs en oeuvres d’art, ou c’est encore, à Aubervilliers, le Cubain Jorge Rodriguez-Gerada qui réalise sur un parking un gigantesque portrait de Madame Picquart. Présidente de la Régie du quartier de La Maladrerie, elle s’est distinguée depuis les années 1970 par ses actions en faveurs de l’insertion sociale et professionnelle des nouveaux arrivants. Cette œuvre en guise d’hommage est tout de même plus séduisante qu’une triste plaque ou l’inauguration d’une petite rue à son nom. Et chacun y trouvera une petite fierté.
La ville, c’est nous. Enfin, quand un territoire n’a pas la chance d’avoir des musées ou des monuments historiques pour appâter le touriste, rappelons que le street art est devenu une véritable force d’attraction créative, comme encore récemment à Saint Ouen, près de Paris, avec l’expo d’anamorphoses organisée par SEAT. Partout dans le monde, toute grande ville dispose de guides proposant de découvrir les œuvres locales lors de visites thématiques. Dans la rue Oberkampf de Paris, encore, l’association M.U.R. invite tous les quinze jours un nouvel artiste (souvent de renommée internationale) à « bomber » un mur de 25 mètres carrés. Faire de la ville une galerie d’art à ciel ouvert, c’est après tout la définition même du street art.