
L’Argus révèle que les zones où les voitures diesel sont les plus nombreuses sont aussi celles où les revenus sont les plus bas. Un fossé inquiétant pour la future transition.
Désenfumer. Alors que les propriétaire de voitures diesel sont de plus en plus montrés du doigt et que, au regard des interdictions croissantes dans les grands centres-villes, ils constituent une espèce en voie de disparition, L’Argus a voulu savoir qui ils étaient vraiment. À l’issue d’une enquête minutieuse, le magazine automobile a dévoilé une cartographie étonnante.
Elle a classé les départements en fonction, d’une part, du nombre de particuliers propriétaires d’un véhicule diesel et, d’autre part, de la densité de ménages non-imposables. « La superposition de ces deux cartes, décrypte l’éditorialiste Thibaut Frank, montre que le diesel est directement associé à la fragilité. Pas forcément la fragilité d’un individu, car on peut évidemment être un propriétaire aisé de ce type de véhicule. Mais celle d’un territoire. »
Diesel maudit. C’est un énième mauvais tour du hasard qui se dessine ici. En inventant le moteur diesel à la fin du XIXe siècle, l’ingénieur allemand Rudolf Diesel était empli d’un idéalisme social. Bien plus performant que la vapeur, son moteur révolutionnaire devait permettre de revitaliser les campagnes en concurrençant les usines qui mettaient alors de nombreux ouvriers au chômage. Surtout, facilement disponibles, les combustibles alimentant les moteurs diesel devaient simplifier la vie des artisans. Finalement, l’invention de Rudolf Diesel entraîna une seconde révolution industrielle qui, hélas, ne profita qu’aux mastodontes du marché.
La France qui fume tôt. Longtemps moins cher au quotidien mais aujourd’hui tombé de son trône, le diesel est symptomatique d’une population qui peine à joindre les deux bouts. Dans ce contexte, l’interdiction annoncée de ce type de motorisation dans les grandes villes – dès 2024 à Paris par exemple – va creuser le fossé de l’accès à la mobilité pour certains Français. Or, quand on sait que 30 à 40% des Français ont déjà dû renoncer à un emploi ou repousser une activité du quotidien faute de moyens de transport pour pouvoir s’y rendre, la corrélation pointée par L’Argus révèle une réalité bien plus problématique encore.
Si les gilets jaunes cherchaient encore un peu de carburant pour alimenter le moteur de leur colère, voilà un nouvel argument servi à la pompe.