
Pour la première fois, des chercheurs de Harvard veulent réellement lâcher des particules dans l’atmosphère pour limiter le réchauffement climatique. Décollage prévu en 2022.
Un ciel bas et lourd. La géo-ingénierie, vous commencez à connaître. Derrière ce mot obscur, qui dissimule surtout des savants fous, se cache en général des stratégies de dépollution atmosphérique à grands renfort de technologie (comme les pratique la Chine). Cette fois, il ne s’agit pas de retirer du CO2 de l’air mais de modifier temporairement la densité de l’atmosphère pour limiter le rayonnement du soleil. Oui, ces chercheurs veulent alourdir le ciel.
« Effet de perturbation stratosphérique contrôlée » : c’est le nom du projet de Harvard ou SCoPEx (pour « Stratospheric controlled perturbation effect »). Sur le papier, il s’agira d’envoyer un ballon (ou des avions) pour disperser des particules de sel extrêmement fin à 20 km d’altitude, donc pile entre le sol et la stratosphère.
Un premier test d’ici 2022. Si la théorie est connue, personne n’avait jusqu’alors envisagé de la réaliser dans des conditions réelles. Pour Harvard pourtant, le plan de vol est clair : un budget de 20 millions de dollars est réclamé afin de décoller d’ici 2022. Un premier vol test dispersera des particules d’eau sur deux petites zones, puis du carbonate de calcium.
Donc… de la craie ? Le professeur Robert Nelson de l’Institut des sciences planétaires qui proposait cette solution le mois dernier, expliquait que le sel était sans danger alors que l’alumine ou le dioxyde de soufre pourraient être inhalés voire créer des dégâts dans la couche d’ozone. Voilà qui devrait suffire à éteindre nos angoisses…
Sans danger ? « Il s’agit d’un palliatif et non d’une solution [à long terme] », explique-t-on à Harvard. Juste de quoi limiter l’ensoleillement de notre planète en obscurcissant le ciel, ce qui aura pour effet de réduire les vagues de chaleur qui causent sécheresses et canicules et donner du répit à la fonte des glaces. De l’espoir à la clé donc. D’autant que les chercheurs envisagent de couvrir la planète avec ce bouclier de particules à l’année, pour seulement « moins de 10 milliards de dollars par an ».
Ce qui fait friser les narines dans ces histoires de sel, c’est surtout qu’un État s’arroge le droit de contrôler le climat pour le bien de (vraiment ?) tous. Du point de vue éthique, c’est discutable, et du point de vue juridique, le ciel et l’atmosphère n’appartiennent à personne. Sans parler des craintes de détournement de cette technique à des fins militaires. Créer une nuit permanente ou une main-mise sur les précipitations serait digne d’une bombe atomique climatologique. Quoi qu’en disent ces chercheurs qui réclament « de tester pour évaluer la capacité de telles théories », il va être difficile de choisir entre tenir les Accords de Paris et ouvrir la voie à un contrôle climatique total.