Highway to hell. À 9386 km de Paris, le débat sur l’intérêt de la “Nouvelle Route du Littoral” fait rage et il n’est pas près de s’éteindre. L’infrastructure censée remplacer l’actuelle route, qui relie Saint-Denis à La Possession, commence à peser sur le budget de la région. Et selon Les Echos, les retards s’accumulent, engendrant des surcoûts. Au point que le budget initial d’1,66 milliards d’euros a explosé… de 300 millions d’euros. Cocorico pour ce record : nous détenons la  route la plus chère au monde avant même qu’elle ne soit terminée. 

Depuis près d’un an, les travaux de la route du Littoral à la Réunion sont à l’arrêt.
Financés à 41% par l’Union Européenne (donc par la France), combien a déjà été versé ? Et quand le chantier reprendra t’il ?

À notre retour, nous questionnerons la Commission Européenne ! pic.twitter.com/B3j5oxVOP3

— Jean-Lin Lacapelle (@jllacapelle) December 20, 2020

Chronique d’un désastre. Pour comprendre comment cette route a acquis ce triste trophée, on doit se replonger au début des années 2010. La route du littoral actuelle est empruntée par environ 80 000 conducteurs par jour, mais elle est très dangereuse. De nombreux éboulements surviennent et la houle provoque des accidents. Les chutes de blocs sur la route auraient alors entraîné plus de 22 décès… En réaction, le projet d’une construction d’une nouvelle route voit le jour à quelques dizaines de mètres des roches de l’île avec viaduc et digue. Un axe impressionnant si dur à construire sur la mer qu’il demande un budget impressionnant et conséquent. 

Suivi du chantier de la Nouvelle Route du Littoral à #LaReunion
Des images aériennes à couper le souffle ! pic.twitter.com/kDQnxaGt5v

— Jérémy Edouard (@bienglace) March 20, 2018

En 2012, un décret juge la route d’utilité publique ; le budget est validé et le chantier est censé débuter un an plus tard, mais l’entreprise Eiffage, non-sélectionnée par l’appel d’offre, fait appel de la décision. La construction est retardée d’un an. Tous les recours rejetés, les travaux peuvent démarrer à la fin de l’année suivante, mais un nouvel acteur entre en scène : le Parquet National Financier qui analyse les méthodes d’attribution du marché de la Nouvelle Route du Littoral et constate des irrégularités… Nouveaux retards.

Comme si l’on avait besoin de ça, la pandémie de 2020 mettra à l’arrêt tous les ouvriers. Après tous ces déboires, l’année 2021 sonne comme une semi-réussite pour cette construction sans fin. Le premier viaduc entre Saint-Denis et la Grande Chaloupe est inauguré mais… il ne mène nulle part. Et la voie n’est pas prête d’être achevée car, aux dernières nouvelles, la livraison finale est annoncée pour 2024.

📢🚧A la Réunion, Touch' pas nout roch et Bois blanc ont besoin de nous, de vous face à la nouvelle route du littoral!🚧

Pour construire la route la plus chère du monde Bouygues/Vinci reçoit l’appui de l’Etat pour faire main-basse sur le dernier cordon naturel à l’Ouest de l'île pic.twitter.com/zWKIomRiOr

— Marie Toussaint 🌍🌏 (@marietouss1) November 6, 2020

Développement pas super durable. Un autre problème subsiste dans cette affaire : l’écologie. Si 5% du budget global est alloué à la conservation de la biodiversité, cette somme est insuffisante pour satisfaire toutes les inquiétudes des associations de protection de l’environnement. Le chantier s’approvisionnerait en roches locales, ce qui causerait des dégâts irréversibles à l’île, et sa structure pourrait influer sur l’habitat du dauphin de l’Indo-Pacifique.

Huguette Bello, candidate d’opposition à la présidence de la région, indiquait il y a peu que l’utilisation de matériaux nobles pourrait être évitée sur le chantier et elle préconisait alors de recycler les matériaux du BTP. Aujourd’hui, élue à la tête de la région, elle s’est engagée à terminer l’ouvrage, et à sauver les pierres. Mais le prix du désastre ne changera pas et il pèse au moins aussi lourd.

Crédits photos : Vinci (c) / Twitter