
Alors que les professionnels du secteur ne prévoient pas de retour à la normale avant 2023, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer ce mode de déplacement jugé polluant et peu adapté au « monde d’après ».
Le vol est hautement symbolique : le vendredi 26 juin, 516 salariés d’Air France ont embarqué à bord de l’A380 pour un dernier voyage. L’avion, le plus gros en termes de transport de civils, avait été inauguré par la compagnie en 2009 et a transporté 18 millions de passagers partout sur la planète. Cette fois, c’est fini.
Le mythique #A380 tire sa révérence et effectue son dernier vol #AirFrance ce vendredi. 🛬Bye bye big bird ! #AF380 pic.twitter.com/MsfV5eXuNF
— Air France FR (@AirFranceFR) June 26, 2020
Le coronavirus aura eu raison de cet engin jugé trop coûteux et surtout trop lourd, en ces temps incertains pour le secteur aéronautique. Rajoutez à cela des rumeurs de suppressions de postes drastiques chez Air France (on parle de 8000 à 10 000 licenciements), une réduction des court-courriers chez Hop, la filiale low cost d’Air France, ainsi qu’un vent de panique chez tous les concurrents (British Airways, Delta Air Lines, Lufthansa) et vous obtenez les ingrédients d’une équation insoluble : faut-il empêcher les avions polluants de redécoller dans un monde post COVID-19 ?
Pour l’organisation Extinction Rebellion, spécialisée dans les coups d’éclat écologiques, c’est oui. À peine les aéroports français étaient-ils rouverts que l’organisation composée d’activistes non violents décidaient d’empêcher les avions de reprendre le chemin du ciel « pour des raisons de sécurité évidente : celle d’assurer notre survie sur Terre ». La demande d’Extinction Rebellion, de ce point de vue, est claire : ils exigent l’arrêt immédiat des vols intérieurs, jugés trop nocifs pour l’environnement alors que d’autres solutions existent pour limiter l’impact de l’homme mobile.
🔴🔴🔴 Action en cours #ExtinctionRebellion rentre sur les pistes d’Orly pour crasher la réouverture #DangerPublic pic.twitter.com/i2D9zITkZk
— Extinction Rebellion France 🐝🌺 (@xrFrance) June 26, 2020
Un autre acteur de poids va dans le même sens et, surprise, c’est le gouvernement. En pleine crise sanitaire, ce dernier n’a pas hésité à imposer à Air France (renfloué pour éviter le dépôt de bilan) de stopper les vols intérieurs dès lors qu’il existe une alternative en train en moins de 2h30. Un drôle de paradoxe qui voit l’État actionnaire offrir des milliards à une société déficitaire (Air France) tout en lui coupant un bras pour en privilégier une autre, elle-même déficitaire, la SNCF. C’est toute la complexité du moment : profiter de la remise en question offerte sur un plateau par le coronavirus pour changer les habitudes de transport, tout en préservant l’emploi (49 000 salariés chez Air France à la fin 2019).
Les compagnies low-cost ne pourront pas reprendre les liaisons régionales abandonnées par Air France https://t.co/wkvOi6derM pic.twitter.com/UjRAKm0pCh
— BFM Business (@bfmbusiness) June 22, 2020
Selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), les compagnies aériennes du monde entier devraient encaisser en 2019 des pertes estimées à 84 milliards de dollars. Le ciel ne devrait pas être plus clair l’année prochaine (16 milliards de déficit à prévoir). L’association, qui regroupe 290 transporteurs (soit 82% du trafic mondial), incite quant à elle les gouvernements à soutenir l’industrie aérienne au nom de principes et valeurs qui ont du mal à passer dans l’opinion.
Qui gagnera au final : l’économie ou l’écologie ? Alors que le secteur peine à redécoller (les ventes pour la première semaine de novembre n’atteignent par exemple que 5% de celles de l’année dernière, selon cette source), il semble plus que temps de rediscuter le rôle du transport aérien, peut-être trop longtemps assimilé à un déplacement de confort (un Paris-Marseille en avion a-t-il un sens ?) quand pourtant, dans le même temps, il est responsable de 2% des émissions de CO2 au niveau mondial. Sur les trajets courts, des alternatives existent déjà. Profitons de cette période exceptionnelle pour redonner du sens à nos déplacements.