
Niveau jargon, les startupers sont en train de dépasser l’Éducation nationale. Voici 10 exemples des mots et expressions les plus tordus de leur novlangue.
CEO. À absolument prononcer « cihiho ». Chez nos amis Anglo-saxons, le « Chief executive officer » est l’équivalent de notre bon vieux « Président directeur général ». Avouons tout de même que le titre de Pédégé est un peu pompeux pour une boîte employant trois personnes dont un stagiaire. Plus chic que « chef », moins mégalo que « boss », on recommande l’emploi de « fondateur », du neutre « directeur » ou, si on veut vraiment se la jouer relax, de « grand manitou ».
Collaborateur.trice. Jusqu’à peu de temps, en France, le mot « collaborateur » renvoyait d’abord aux pages sombres de notre histoire. Les startupers ont réussi à lui donner un vernis cool, comme si leur entreprise n’était qu’une formidable aventure collective. En réalité, un collaborateur n’est ni plus ni moins qu’un employé. Point barre.
Disrupter. La première fois qu’on entend « disruption », on pense à un terme médical désignant une douloureuse fracture d’un membre inférieur du corps. Erreur : « disrupter » signifie bouleverser le marché, l’industrie ou la technologie par une solution innovante. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple et ne pas juste dire « tout péter » ?
Early adopters. Ce sont les tout premiers clients (voire « utilisateurs ») d’une startup. En français, on appelle ça les « primo adoptants ». En vrai : la famille et les potes des startupers.
Révolution. Comme le mot « génie » en musique, le terme « révolution » est employé à tout bout de champ par les startupers, finissant par être galvaudé. 1789, la roue, l’électricité ou internet sont de véritables révolutions. Une appli, un gadget ou une solution domestique, si utiles et bénéfiques sont-ils, ne sont pas réellement subversifs. Parlons simplement et honnêtement d’ « amélioration » ou d’« innovation ».
Licorne. Se dit d’une startup valorisée à au moins un milliard de dollars, chose aussi rare qu’un cheval muni d’une corne sur le front. Mais la licorne est un animal gracile et précieux, ce qui ne sont pas les qualités premières d’Uber ou Airbnb. Et si on parlait plutôt de « cachalot » ou de « mammouth » ?
Pitch. Le « pitch » est une ou plusieurs phrases élaborées par une startup et destinées à convaincre (le client ou l’investisseur) de la nécessité de son produit. Mais depuis quelques mois, le groupe alimentaire produisant une petite brioche du même nom s’amuse à coller des menaces de procès aux startups ayant le malheur d’utiliser le mot « pitch » dans leur nom d’entreprise. Notre conseil : revenir à la langue de Molière avec le mot « argumentaire » ou, plus court, « topo ».
Pivoter. D’après la définition proposée par un magazine de startupers, un pivot est « une modification de tout ou partie de son business, pour coller au plus près aux attentes du marché. » Ce n’était pas nécessaire de recourir au vocabulaire de coach de gym pour signifier qu’on change radicalement d’idée après avoir réalisé qu’on fonçait droit dans leur mur. L’expression « arrêter les frais » existait déjà.
Utilisateur (variante : usager). Manière élégante qu’ont trouvé les startupers pour nommer le client. Arrêtons l’hypocrisie. Puisqu’on appelle un chat un chat, autant nommer le client un client. Le but d’une startup est avant tout de vendre une solution. Et si elle est bonne, on ne rechignera pas à mettre la main à la poche.
Scalabilité. Mot franglais compliqué et moche qui veut tout simplement démontrer la capacité d’une startup à adapter son modèle à la taille du marché, du plus petit (à l’échelle d’un quartier, par exemple) au plus gros (à l’international). Puisqu’une startup doit savoir grossir encore et encore sans perdre son short, on propose l’expression « faire le Hulk ».