Las de se faire virer de toutes les plateformes du web traditionnel, les réseaux de l'extrême droite se mobilisent pour créer leur propre Internet. Et pourquoi pas ? Plaçons les haineux dans une bulle de haine high-tech que les haters vont... aimer ?
Rangeons les rageux. Longtemps restés neutres, les réseaux sociaux et hébergeurs se mobilisent depuis peu contre les propos racistes, sexistes, suprémacistes… Bref, contre les haters. Ce n’est pas un élan de vertu, mais les géants de l’information répondent à la demande du public pour un meilleur contrôle des discours haineux qui prolifèrent et se normalisent dans les rues américaines depuis l’élection de Donald Trump.
L’hébergeur et gestionnaire de noms de domaines GoDaddy a ainsi débarqué le Daily Stormer, site d’actualité nazi dont l’ancien nom était Total Facism — ça en dit long. Également lâché par Google, ce mag aux cheveux et idées courtes était devenu la principale plateforme du Unite the Right, le nauséabond rassemblement qui a eu lieu à Charlottesville le 12 août.
Réseau facho rech. refuge virtuel. Dans le même temps, Gab, un réseau social pour les extrémistes de tous poils (ras), se voyait retiré de Google Play après qu’Apple l’avait déjà banni de sa boutique. Pas à une contradiction près, les créateurs de ce service au logo de grenouille estiment que « trop, c’est trop ». Ils appellent « les patriotes et libre-penseurs » à s’organiser via un nouveau groupe, la Free Speech Tech Alliance, pour créer des moyens de communication libérés de l’emprise des valeurs supposément gauchistes des GAFA. Créer leur propre Internet, en somme. À la clé : un espace accueillant sans chichi des sites comme Hatreon (qui affirme que la haine est une expression protégée par la liberté d’expression) ou Wasp.love (site de rencontre dont le slogan incite à préserver l’héritage blanc).
Un mal pour un bien. Mais pourquoi laisserait-on cette engeance haineuse trouver son confort ? Parce que cela pourrait débarrasser Internet des ceux qui salissent sa liberté d’expression. Une opportunité de redonner à Internet les valeurs autours desquelles il a été inventé comme le partage, l’accès aux faits, la connaissance et non aux alternative facts. Donc à défaut de supprimer, mettre les pénibles de côté pourrait nous protéger.
GAFA Gaffeurs ? Hélas, une telle entreprise n’est pas si facile, au vu du pouvoir des fournisseurs de service privés. Reconnaissons-le, les défenseurs de l’Alt-tech — ces plateformes et infrastructures montées par la droite dure américaine auto-surnommée Alt-Right — touchent ici une corde sensible quand ils invoquent la liberté d’expression et le manque de pluralisme des GAFA. Utsav Sanduja, directeur d’exploitation de Gab, a accusé une perte entre 70 et 75% du marché américain depuis son exclusion des app stores.
Et si c’était une bonne nouvelle : ce chiffre est révélateur de la capacité des géants du web à débarrasser Internet des propos haineux. Alors maintenant, machos, trolls, pédophiles… who’s next ?