
L’artiste lyonnais, basé à Paris, tente à travers ses créations de se réapproprier l’espace public pour permettre à tous de questionner le monde dans lequel nous vivons.
La SEAT Ibiza Jacuzzi, la cabine de téléphonique-aquarium ou la caravane-piscine : Benedetto Bufalino se sert de l’environnement extérieur pour faire passer son message. Exit les musées, l’artiste de 37 ans expose ses créations dans l’espace public, là où tout le monde peut les voir mais aussi là où on ne s’y attend pas. L’effet de surprise est garanti, surtout que le Lyonnais prend un malin plaisir à refaçonner ces objets du quotidien pour leur donner une nouvelle fonction. Vous saviez, vous, qu’un break pouvait faire un super four à pizza ou une limousine un banc public ? Lui, oui. Sympa, il nous a expliqué une partie de ses tours de magie.
Quel effet voulez-vous produire sur les personnes qui découvrent vos créations ?
Ce que j’aime, c’est d’apporter un effet de surprise. Les gens qui voient mes créations ne sont pas avertis. Ils ne viennent pas spécialement pour ça, mais ça permet de créer un réenchantement de l’espace public. Comme la pelleteuse-aquarium, l’idée est de redécouvrir cet objet qu’on voit dans la rue, souvent à l’arrêt. Pour la bétonnière boule à facette, c’est déjà une grosse surface qui tourne, en attente en quelque sorte. J’active des choses qui sont en attente.
Comment est venue l’idée de s’attaquer à la mobilité ?
Je voulais naturellement travailler sur la voiture. C’est un élément de l’espace public très, très présent. Ce qui m’intéresse, c’est de la désacraliser avec la représentation sociale. Ça fait aussi référence à la question du luxe avec la limousine banc public par exemple. Chaque voiture a sa particularité : la voiture poulailler, c’est une voiture de police. La SEAT Ibiza, c’est Ibiza et ça devient une piscine. On l’a transformée en jacuzzi improvisé avec un tuyau pour faire des bulles.
Est-ce qu’on peut tout imaginer avec un véhicule ?
Non, on ne peut pas. J’aime bien utiliser l’essence de la voiture en question. Le four à pizza, c’est parce que c’est un break, gris, et du coup ça fait un grand four à l’intérieur. La voiture ping-pong a déjà un côté sportif. Il faut trouver des fusions avec l’objet en question.
« L’art sert à expérimenter et si mes œuvres sont reprises alors elles sont reprises. Mais elles ne diront pas la même chose. »
Pourquoi exposez-vous dans l’espace public et non dans les musées ?
Dans l’espace public, il y a très peu de monétisation. Il est aussi laissé à l’abandon et du coup, je cherche à réinjecter des éléments de manière gratuite. Je prends l’argent des musées, et de la culture au sens général, pour ceux qui n’y vont pas, et qui ont aussi le droit de se questionner. Par exemple le bus sur le parking du Louvre à Lens, c’est de l’argent du musée qui se retrouve sur le parking. Une voiture à l’envers dans un espace public et une voiture à l’envers dans un musée ça ne dit pas la même chose. À l’extérieur, elle marque l’idée d’une manifestation ou d’une revendication alors que dans un musée, c’est un objet qui devient une symbolique.
Il y a donc un message politique fort ?
C’est même ce qui me motive : le fait, déjà, d’être dans l’espace public et de travailler pour des personnes qui ne vont pas au musée est important, notamment pour réduire les inégalités. L’art contemporain n’est pas que pour une élite. Il y a aussi la question du partage : il y a des collectionneurs qui voudraient privatiser mes œuvres, mais je refuse systématiquement.
Qu’est-ce que les nouvelles mobilités vous inspirent ?
Je me déplace pas mal à vélo et ma réaction est de dire que c’est du grand n’importe quoi. On manque d’espace sur les pistes cyclables avec les vélos électriques qui roulent plus vite que nous. Il faudrait plus de places pour ces nouvelles mobilités.
Pour plus d’infos sur Benedetto et son travail, c’est par ici.