
Champion de l'autocar longue distance, FlixBus affiche un bilan 2019 qui décoiffe : 10,5 millions de passagers en France dont 1 million pendant les grèves de décembre. Nous avons rencontré son patron, Yvan Lefranc-Morin, pour décortiquer ce succès et dévoiler les projets à venir. Chauffeur, si t'es champion, en 2020 t'appuies sur le champignon ?
Votre bilan 2019 annonce 10,5 millions de passagers en France. Ce sont 43% de progression depuis 2018. Comment expliquez-vous ce succès en quatre ans d’exercice en France ?
La première raison est que cette offre de mobilité partagée manquait clairement dans le paysage français et qu’elle est enfin clairement identifiée. Si le secteur n’était pas libéralisé jusqu’en 2015, c’était pour protéger le monopole de la SNCF sur la longue distance. La « loi Macron » a réparé ce manque et a permis d’offrir une solution « bon marché » aux gens qui avaient envie de se déplacer en France dans de bonnes conditions. La deuxième raison est qu’on a contribué à donner ses lettres de noblesse au car. Les gens avaient une image vieillotte de l’autocar. La réalité, ce n’est plus du tout ça, c’est du car grand tourisme avec beaucoup de confort à bord : du Wi-Fi, des prises de courant… C’était très old school et on a réussi à redynamiser tout cela et à rendre le car sexy.
Cette modernisation du service, toutes les compagnies de cars y ont travaillé, non ? Que doit-on spécifiquement à FlixBus ?
On va être humble, les offres proposées lors de l’ouverture du marché ont toutes été, à des degrés plus ou moins marqués, équivalentes en termes de qualité. Aujourd’hui nous ne sommes plus que deux, et nous sommes leader, de loin. Mais on y a contribué avec des innovations que vous ne trouverez que chez FlixBus. Il y a un an, on a développé le système « On Board Entertainment », c’est-à-dire un accès à un catalogue de films, de livres audio et de jeux qui équipe la quasi-totalité de notre flotte en France. On a aussi un parcours d’achat digitalisé très simple. Enfin nous avons lancé des lignes 100% électriques… Tout cela a contribué à moderniser encore ce mode de transport.
“Beaucoup de gens se tournent vers nous et nous utilisent comme une alternative de transport qu’ils n’auraient pas cherché sans la grève.“
Pendant la grève, vos cars ont accueilli 1 million de passagers. Comment Flixbus peut-il aider les usagers à rester mobiles au quotidien durant ces mouvements sociaux ?
Beaucoup de gens se tournent effectivement vers nous et nous utilisent comme une alternative de transport qu’ils n’auraient pas cherché sans la grève. Nous sommes considérés comme une « valeur refuge » car, travaillant avec des PME [les autocaristes], on est à l’abri de ce type de mouvement. Toutefois, la grève n’explique pas la croissance d’année en année. Clairement, notre rapport qualité-prix est une des principales explications de l’engouement des Français pour FlixBus.
En Allemagne, FlixBus opère aussi un service ferroviaire. La SNCF s’ouvrant à la concurrence, verra-t-on bientôt des trains orange et vert en France ?
C’est clairement d’actualité : on a officiellement fait acte de candidature en juin 2019 pour 5 lignes en France : Paris-Bordeaux, Paris-Bruxelles, Paris-Nice, Paris-Toulouse et Paris-Lyon. On est actuellement en phase d’étude de marché très poussée pour être capables d’affiner un modèle économique et savoir si, oui ou non, on sera opérateur dès 2021. On se prononcera fin du premier trimestre 2020. Réponse au printemps donc…
62 millions de passagers transportés en longue distance… À l’heure du Flygskam et des lois interdisant les vols intérieurs, êtes-vous la meilleure alternative à l’avion ?
C’est crédible et pour une bonne raison : rapporté au nombre de passagers transportés et au CO2 émis par passager, l’autocar est un des modes de transports les plus vertueux. Un car bien rempli vaut mieux que 30 voitures et même qu’un covoiturage bien rempli. Si on veut aller plus loin, il y a énormément de trains en France qui roulent au diesel alors que nos autocars sont quasiment tous neufs avec maximum trois ans d’ancienneté et la « norme Euro6 ».
“Aujourd’hui il n’y a pas meilleur rapport qualité prix que le car, surtout si on a un budget serré. Comparé à des mobilités partagées, tel le covoiturage, on reste 30% moins cher.”
Et des VTC ? Y’a-t-il une ambition après l’autocar et le covoiturage ?
Honnêtement, on ne dit jamais « jamais » chez FlixBus, ah ah ! Donc pourquoi pas. Mais d’une part on est un opérateur installé sur la longue distance et d’autre part le VTC est une activité très différente. On a encore beaucoup de challenges. Donc ce n’est pas dans l’agenda, mais je ne vais pas me prononcer pour les dix ans qui viennent…
Dernière question, allez-vous développer les cars électriques ?
Bien sûr ! On est les premiers au monde à avoir lancé une ligne de cars 100% électriques entre Paris et Amiens. Elle circule tous les jours sans rejeter de CO2. Cela a été dupliqué en Allemagne depuis. Mais on ne s’arrête pas à l’électrique : il y a d’autres technologies propres, notamment l’hydrogène, qui sont prometteuses et nous travaillons avec des startups spécialisées ainsi que des constructeurs afin de participer à l’évolution des véhicules autant qu’on le peut. Les retours clients sont dithyrambiques – silencieux, confortable, pas de vibrations… – et d’un point de vue technique, il n’y a eu aucune panne mécanique sur cette ligne en deux ans. C’est un vrai succès. Il nous faut trouver maintenant comment dupliquer cela à grande échelle. La question des recharges notamment est le challenge de cette transition. Mais ça viendra.
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