
Pour la première fois dans l’histoire pénale, un pays vient de reconnaître à un fleuve maori les mêmes droits qu’à une personne physique. Une grande première qui permet de s’interroger sur la responsabilité humaine face à la nature.
Pas un long fleuve tranquille. En mars dernier, le ministre de la Justice néo-zélandaise a fait un petit pas pour l’homme, mais un grand pour la nature. En reconnaissant le fleuve Whanganui, le troisième plus long cours d’eau du pays, comme une personnalité juridique à part entière, Chris Finlayson a permis à la tribu maori qui défend ses intérêts depuis 1870 de gagner une grande bataille. Non seulement le fleuve disposera à l’avenir des mêmes droits que tout le monde, mais il couronne également une bataille pour la défense de l’environnement avec, à la clé, pas moins de 80 millions de dollars de compensation pour les dégradations de l’écosystème local. Un cas qui, on l’espère, fera jurisprudence.
Instant philo. Si respecter un fleuve ancestral comme une personne peut sembler saugrenu, la dégradation de la planète par l’être humain l’est encore plus. Des juges, un peu partout, militent déjà dans le même sens ; on peut notamment citer le récent cas du Gange, lui aussi reconnu comme une personne et qui pourra désormais bénéficier des mêmes droits que votre voisin de palier. Si la formulation peut prêter à sourire (c’est vrai qu’on imagine mal un champ de blé porter plainte contre une marque de pesticides), elle permet aussi de questionner les juristes sur le grand mal du 21ème siècle : à priori, il est effectivement impossible de considérer la nature comme un “sujet de droit” qui est techniquement uniquement applicable à l’homme conscient. Ce serait en outre considérer que les technologies humaines sont par définition dangereuses pour la nature. Ce qui, hélas, se vérifie de plus en plus…
Éteindre les feux écologiques. S’il est déjà possible de voter des lois obligeant l’homme à protéger la nature, il est encore plus important de le responsabiliser. Jusqu’à preuve du contraire, les sanctions juridiques sont encore l’une des solutions les plus efficaces pour remettre l’homme dans le droit chemin ; et on se languit à ce propos que la grande barrière de corail, plus que jamais menacée, dispose des mêmes droits que la population. Plus près de nous encore : à quand un statut juridique pour les forêts ravagées par les incendies dans le sud de la France ? Sans dire qu’il faille placer l’humanité tout entière dans le box des accusés, il est sûrement grand temps de mettre à jour notre manière de penser, pour que la nature puisse, enfin, ne plus être systématiquement la grande oubliée du code pénal.