
Une réalisatrice qui donne du courage à toutes les créatrices de startup
Au commencement était la femme. En s’envolant pour un stage à San Francisco, en 2011, Nora Poggi ne se doute pas encore que son travail sera bientôt acclamé par des médias aussi prestigieux que CNN ou Forbes. C’est qu’à l’époque, la Française qui sort tout juste de cinq ans d’études à Science Po Paris, se rêve encore reporter ou réalisatrice. Mais pour l’heure, Nora en est encore à découvrir l’environnement des startups.
Inspirée par la journaliste anglaise Hermione Way, elle rédige et filme quelques interviews, au culot, et tisse, lentement, son réseau. C’est en assistant à la conférence « Women 2.0 », en avril 2013, que le déclic vient. Il y est question des femmes entrepreneures et là… Nora a comme une révélation : ne faudrait-il pas présenter ces “role models” aux millions de femmes qui, dans le monde, hésitent à se lancer ? Et quel meilleur outil que le cinéma ?
Quatre ans plus tard, Nora Poggi a réussi son rêve : non seulement elle est devenue réalisatrice, mais son documentaire She Started It, consacré au quotidien de cinq jeunes créatrices de startup, est en train de devenir une référence internationale.
Où sont les femmes ? L’enquête a commencé en avril 2013 et a été menée comme une entreprise, avec des levées de fonds et deux campagnes de crowdfunding. Les entretiens et enquêtes ont été menés à deux, avec sa collègue et co-productrice Insiyah Saeed. « Nous avons suivi cinq jeunes femmes pendant deux ans, puis il y a eu un an et demi de montage », explique-t-elle à Détours.
« Le docu est parti d’un constat : 95% des investisseurs sont des hommes, moins de 10% des startups à forte croissance sont fondées par des femmes et on ne les voit jamais dans les médias. »
Au total, elles ont rencontré 75 personnes en tentant de comprendre, non pas pourquoi elles manquaient de visibilité, mais ce qu’elles avaient en commun et ce qui les rendait si fortes malgré ce défaut de représentation. Réponse : la ténacité. « Je ne pense pas qu’il y ait un profil type de startupeuse. Cela dit, comme on le voit dans le film, les entrepreneuses ont toutes en commun la persévérance et le courage. Toutes avaient cette capacité à se relever après un échec. »
Déclencher des vocations. Ce que l’enquête démontre, c’est que cette attitude propre aux startupeuses n’est pas quelque chose d’inné, mais un comportement qui peut être développé et encouragé en société et en famille, voire dès l’école. « L’idée était d’inspirer et d’encourager la prochaine génération de femmes entrepreneures, pour que les jeunes filles qui voient le film se disent : “Pourquoi pas moi ?” » Projeté dans des universités, lors de conférences et autres événements, She Started It a gagné une belle notoriété. Nora Poggi a même été invitée à parler à la célèbre conférence TedX. Le projet est déjà allé bien plus loin que ce qu’imaginaient ses conceptrices : le film est devenu un catalyseur de changement.
Plus important encore, le documentaire touche directement certaines spectatrices qui ont alors sauté le pas : « She Started It travaille sur les perceptions (largement diffusées et construites par les médias) et la confiance en soi, afin d’amener davantage de filles à s’intéresser à l’informatique et l’entrepreneuriat. » Les choses ont beaucoup changé depuis le début de l’enquête, mais les chiffres d’investissements restent encore trop souvent les mêmes. La diffusion du film et les échos rencontrés par les modèles qu’il présente (comme Cécile Lazorthes en France) prouvent cependant que les choses ont commencé à bouger. Et à sa façon, Nora Poggi started it…