
Cofondateur de cette startup il y a deux ans, Eric Clairefond a un objectif clair : substituer des trottinettes aux voitures dans les déplacements professionnels. Rencontre et état des lieux d’une révolution urbaine déjà commencée.
D’où est née l’idée d’équiper les entreprises de flottes de trottinettes plutôt que de fournir les usagers ?
D’un phénomène inédit : les flottes partagées de trottinettes électriques explosent dans une dizaine de pays. Avant d’atteindre les 10 millions de trajets, Uber a mis trois ans alors que Bird et Lime n’ont mis que 360 jours. Tous les chiffres montrent qu’elles sont en train de l’emporter sur les vélos partagées. Les usages se modifient et, à l’échelle de l’entreprise, on peut en profiter pour remplacer les micro mobilités en voiture. On est à ma connaissance les seuls au monde à proposer ce service singulier.
Les trottinettes peuvent-elles vraiment arranger notre empreinte carbone ?
Il faut savoir que le parc mondial est à peu près partagé en deux : moitié de voitures individuelles, et moitié un usage professionnel. On peut donc espérer aisément être une alternative décarbonée à la moitié de celles-ci. Prenons en exemple l’Île-de-France. Ce sont 15 millions de transports par jour en voiture, et 80% d’entre eux font moins de 4 kilomètres. Un chiffre qui recoupe une tendance mondiale autour de 3 miles par véhicules. C’est une hérésie : on prend des voitures pour voyager proche.
Comment définir ce que vous appelez la « trottinette de fonction » ?
C’est un terme pertinent qui montre que le regard sur la “trottinette électrique” a changé. On est sorti de l’univers du jouet. Aujourd’hui, la sociologie et l’âge des gens qui se déplacent en trottinette font que c’est considéré comme un véhicule de fonction. Or, pour les entreprises cela fait sens : cette solution conjugue leur besoin d’améliorer leur impact carbone (adieu les flottes de véhicules carbonés qui font moins de 10 000 kilomètres par an) et un souci de qualité de vie au travail pour leurs employés.
Des trottinettes en entreprise : on pense plutôt aux déplacements internes, dans une usine par exemple, que des trajets extérieurs façon Jean-Claude Convenant dans Caméra Café…
Haha, oui en fait, on a trois types d’usagers parmi nos clients. Ceux qui viennent travailler avec, en combinaison avec le train ou métro par exemple. Ceux qui se servent des trottinettes partagées pour leurs rendez-vous en journée, ou aller déjeuner. Et ceux qui leur ont trouvé un usage professionnel à l’engin. Mais l’usage « sur site » est évident. On va travailler avec un aéroport où les gens doivent aller de la tour de contrôle aux bureaux. Pour faire 800 m, ils ont 12 voitures sur le tarmac… C’est une hérésie autant écologique que financière.
Nous travaillons avec une filiale d’EDF. Avec les trottinettes électriques, ses équipiers économisent désormais 50 à 75 euros de stationnement par jour.
Le gain écologique et économique de votre solution est-il quantifiable ?
Très clairement, oui. Nous travaillons avec la CRAM, une filiale d’EDF dédiée au chauffage. Ses équipiers font des tournées quotidiennes sur Paris et proche banlieue, qui ne sont pas des réparations mais du relevé de compteur, avec les trottinettes électriques à disposition pour se substituer à la voiture. Le constat : ils économisent désormais 50 à 75 euros de stationnement par jour, n’ont plus de contraventions et font 30 à 40% de rendez-vous en plus.
Ce terme de « trottinette de fonction » sonne très juridique. Qu’attendez-vous de l’État pour officialiser ça ?
J’aurais tendance à affirmer qu’ils font déjà ce qu’il faut. D’abord structurellement, en s’équipant d’infrastructures : Paris a déjà initié un plan cyclable de 700 kilomètres intra muros. C’est déjà voté, budgété, initié, et ça grâce aux collectivités locales. Ensuite dans les usages, puisque le public a adopté les free floating, on est en train d’adapter le Code de la route. De notre côté on ne fournit d’ailleurs pas que des trottinettes mais tout un bouquet : l’assurance, la formation, l’appli pour les emprunter, le meuble pour les stocker, partager et recharger… C’est le sens de l’histoire.