
Dans « L'art de l'innovation », deux spécialistes des ressources humaines et du management ont révélé les clés de l’innovation. Sans conteste, depuis 2000 ans, le secret réside dans les relations humaines en entreprise.
Le premier est un coach en ressources humaines. Le second, un expert de la gestion de projet et des « méthodes agiles ». Ensemble, Jean-Christophe Messina et Cyril De Sousa Cardoso ont conçu Audalom, un cabinet de conseil en transformation des organisations. Leur méthode ? Toujours s’appuyer sur l’intelligence collective, c’est-à-dire les interactions au sein d’un groupe. Car pour nos experts, la créativité n’est jamais le fait d’un génie, mais toujours d’un échange.
Pour le démontrer, ils racontent 21 inventions majeures (imprimerie, nucléaire, ampoule…) qui ont renversé l’histoire grâce à des collectifs et non des individus isolés. Voilà qui va faire oublier Elon Musk et autres Mark Zuckerberg au profit de startups et associations engagées. Rencontre avec les deux auteurs de L’art de l’innovation pour comprendre comment les relations humaines peuvent faire de nous des génies unis.
Votre livre réunit 21 anecdotes historiques qui dévoilent les ressorts de l’innovation.
Oui, on part du Big Bang et on arrive à l’invention d’Internet. Des chapitres bonus en ligne évoquent Wikipédia ou les méthodes agiles… Cette grande fresque donne des éléments pour comprendre l’innovation (qui a elle-même varié dans le temps) et comment concrètement en tirer des leçons.
Y’a-t-il eu des périodes de l’histoire plus propices à l’innovation ?
Il y a plutôt eu des accélérations à des moments clé. Par exemple, la création des premières citées humaines ; on a vu jaillir la roue et l’écriture. Pourquoi ? En réunissant plus de gens sur un territoire, il y a plus d’interactions donc plus de partages d’idées, donc d’innovations. Ça a été aussi le cas avec l’invention l’imprimerie et d’Internet.
Vous y démontrez que l’innovation est toujours le fruit d’un travail collectif. Les interactions seraient donc le moteur de la création ?
Tout à fait ! Trop souvent on raconte des histoires de génies. On oublie que tous étaient entourés d’équipes. Avec tous ses brevets, Thomas Edison est un exemple parfait : inventeur de l’ampoule, du phonographe, quasi-inventeur de l’électricité, précurseur du cinéma… Edison a créé le premier centre de recherche de l’Histoire : de 1876 à 1883, à Menlo park dans le New Jersey, il a réuni différents experts et passait entre eux pour ritualiser les échanges, entretenir la convivialité pour créer des parallèles entre les méthodes et les constats…
« Le mythe du génie est faussé. Même Léonard de Vinci travaillait en équipe ! »
Qu’est-ce qui fait qu’une idée va mieux fonctionner qu’un foisonnement d’autres ?
Les innovations sont des idées qui entrent en résonance avec un besoin. Le fait de partager plus nos voitures, par exemple, découle de notre conscience écologique, mais aussi l’envie de moins gérer l’entretien ou le stationnement de nos véhicules. Dans le livre on l’illustre avec Georges de Mistral : revenant d’une promenade dans la nature, il se rend compte que des boules s’accrochent à son pantalon en velours. En les passant au microscope, il s’aperçoit qu’elles ont des petits crochets et va imaginer le scratch. Mistral n’a fait qu’observer la nature, mais son idée de fermeture simple et solide sera finalement utilisée pour la première mission spatiale !
Comment est né ce livre à l’origine ?
L’objectif de L’art de l’innovation est de mettre en lumière que les processus de l’innovation sont des équations humaines. Depuis 2015, nous donnons un cours à l’EDEC qui présente les principes pour stimuler l’innovation en entreprise. Nous avons eu envie de donner plus de force pédagogique en mettant ces principes en parallèle d’épisodes réels de l’histoire. Car finalement, tout entrepreneur aujourd’hui est un héritier d’une épopée humaine après tous les inventeurs passés.
Comment pouvons-nous stimuler la créativité en entreprise ?
C’est notre métier depuis 2014. Quand on intervient, on repart toujours des équipes pour faire émerger au travers d’ateliers un diagnostic sur le vécu collectif et les besoins. On a développé plein de techniques de jeu pour améliorer l’interaction et la communication et stimuler l’intelligence collective.
Vous parlez souvent d’ « innovation commando » dans vos méthodes, c’est quoi ?
Ce qui crée du sens dans les grandes organisations un peu dépersonnalisées, c’est de mobiliser des équipes autour de projets. Le commando, c’est cette idée d’une équipe qui va porter l’innovation. À l’opposé de la réunionite française qui tue toute volonté d’innovation !
« La créativité c’est avoir des idées. L’innovation c’est savoir les transformer en réalité. »
Nous avons accompagné cinquante structures en trois ans, avec plusieurs projets pour certaines. Donc on dépasse les cent équipes-projets et on peut garantir que cela fonctionne. Notre conclusion, c’est que pour innover on doit investir dans la relation humaine plus que tout le reste.
On est dans une époque de sur-communication et une explosion d’idées collaboratives. Le terreau est idéal alors, est-ce qu’on va dans le bon sens aujourd’hui ?
Difficile d’être futurologue, mais ce qu’on constate c’est qu’on a globalement un progrès. Cependant, quand on raconte l’invention de la bombe atomique et le nombre de scientifiques de très haut niveau que rassemble le projet Manhattan, on constate qu’à la fin, il y a eu Hiroshima. L’innovation n’a pas de morale ; elle est ce qu’on en fait. Il y a aujourd’hui beaucoup de potentiel, mais l’innovation se fait grâce et par l’humain, et elle devrait toujours être pour l’humain.
Plus d’infos sur innovationcommando.org et dans L’art de l’innovation, édition Eyrolles.