S’il faut de grandes quantités d’eau pour extraire le lithium ainsi que pour produire les puces électroniques des batteries, l’argument selon lequel les voitures électriques mèneraient à une pénurie d’eau mondiale semble en revanche exagéré. On fait le point.
Plusieurs objets de notre quotidien fonctionnent avec des batteries lithium : les smartphones, les ordinateurs, les tablettes. Mais aussi… les voitures électriques. Plusieurs voix s’élèvent ces jours-ci, et à juste titre, pour dénoncer l’aspect non-écologique de ces véhicules, notamment la production des batteries qui nécessite l’extraction de métaux rares comme le nickel, le cobalt ou encore le graphite. En l’occurrence, ici, ce qui fait grincer les dents de certains experts est la quantité d’eau nécessaire à l’extraction du lithium ainsi que les besoins en eau pour la production des puces électroniques.
Les chiffres avancés par cet article, relayé par Korii, ont de quoi inquiéter : « il faut environ 100 litres pour produire une seule puce ». À Taïwan, où la production de semi-conducteurs est la première industrie, les pénuries d’eau liées à la sécheresse obligent les entreprises à faire venir de l’eau en camion citerne, comme l’indique Le Monde. « Taiwan Semiconductor manufacturing company (TSMC), le numéro un mondial de la fonderie de puces, consomme à lui tout seul 156 000 tonnes d’eau par jour », écrit le journal. Même si une grande partie de l’eau est recyclée (86%), la situation est en train de devenir critique.
Dans le triangle du lithium. L’autre gros problème, c’est que l’extraction du lithium entraîne l’assèchement de certaines régions en Amérique du Sud, notamment en Bolivie, au Chili et en Argentine (ce qu’on appelle « le triangle du lithium », qui concentre 80% des réserves mondiales). En effet, comme l’écrit Culture Science Chimie, « les sels de lithium (Li2CO3) peuvent être produits à partir de saumures pompées dans les lacs salés […] L’extraction à outrance du lithium dans ces régions désertiques menace les écosystèmes et l’accessibilité à l’eau pour les populations locales. ».
Sur le site de l’ONU, on peut lire : « Au Chili, l’extraction du lithium utilise près de 65 % de l’eau de la région de Salar de Atamaca, l’une des zones désertiques les plus sèches du monde ». Pour produire une tonne de lithium, environ 2 millions de litres d’eau partent littéralement en fumée, à cause de l’évaporation. À terme, l’extraction de lithium pourrait causer des soucis aux habitants de ces régions, tiraillés entre les bénéfices économiques liés et la protection de leurs terres. Par exemple, la moitié des réserves de cobalt, essentiel aux voitures électriques, viennent de la République du Congo, comme l’indique un rapport des Nations Unies.
Pour en revenir à nos voitures, le site Korii mentionne un rapport du Congrès américain, qui indique que le cycle de vie d’un véhicule électrique consomme, in fine, moins d’énergie qu’une thermique, mais plus d’eau (56% de plus). Des chiffres inquiétants, on vous l’accorde. Mais à mettre en perspective.
Selon Maximilian Fichtner, interrogé par le journal allemand Tagesspiegel, les besoins en eau pour la fabrication d’une batterie (64 kWh) pour une voiture Tesla, par exemple, sont équivalents à la production de 10 avocats, de 30 tasses de cafés ou de 250 grammes de bœuf (selon ses calculs, 3 840 litres). « Je suis toujours étonné qu’on ne parle jamais du lithium utilisé pour les ordinateurs ou les smartphones, mais qu’avec les voitures électriques, ça devienne un problème », explique le directeur de l’Institut Helmholtz pour le stockage de l’énergie électrochimique d’Ulm en Allemagne.
En résumé, et ce n’est malheureusement pas une surprise, ce sont les pays dits « en développement » qui subissent les conséquences de l’engouement pour les véhicules électriques en Europe et aux USA. Un problème de riche, pour reprendre l’expression, mais qui pourrait laisser des traces durables, au sens propre comme au figuré.