
Tous les mois sur Détours, l'inénarrable David Abiker nous invite à faire une pause avec ses "éditours" dont il a le secret, et où il est question de mobilité, de mouvements et même, un peu, de poésie. Cette semaine, une réflexion sur le jour d'après le confinement, c'est-à-dire le 12 mai. Si tout va bien.
Une des photos les plus drôles postées sur Twitter dès le 16 mars le fut par @deemee3. Elle représente un garçon équipé d’un casque, Smartphone en main, habillé comme pour aller bosser. Il tient une barre horizontale métallique. Pas celle du métro mais celle de la tringle de son rideau de douche. « Maintenir une certaine routine est important hashtag Covid19…» s’amuse la légende. De quoi sourire et patienter le temps de reprendre notre premier métro. Le premier métro du monde d’après, le premier métro du reste de notre vie de citadin…
Maintenir une certaine routine est important. #COVIDー19 pic.twitter.com/0dQsMaRgTz
— Dimitri (@Deemee3) March 16, 2020
Quelle saveur aura ce premier voyage ? Comment s’engouffrer dans la bouche du métropolitain sans s’imaginer pénétrer un tube à l’haleine chargée de germes ? Comment s’habiller pour emprunter sa ligne favorite ? Les distributeurs de tickets céderont-ils la place à des distributeurs de gel hydro-alcoolique ? Et quel air chaud et parfumé – mélange de fragrances plus proche de la poubelle que du numéro 5 de Chanel – soufflera-t-il sur nos visages un peu crispés en attendant sur le quai des rhumes en station debout ?
Comment nous entasserons-nous dans les rames ? Faudra-t-il que des agents assermentés acceptent de nous y pousser comme au Japon ? Non que nous y soyons trop nombreux mais parce que nous aurons la trouille au ventre ! Et une fois à l’intérieur, saisirons-nous la barre à pleine main comme autrefois en nous disant « ben je me les laverai en rentrant » (on oubliait une fois sur deux).
Supporterons-nous cette promiscuité aux heures de pointe ? Après les malodorants, les frotteurs, les ivrognes, les sans-gênes, les malotrus jambes écartés et les bandes vociférants, faudra-t-il aussi voyager avec cette idée que le passager d’à côté est peut-être un gros porteur, je veux dire un super contaminateur ? Et la toux ? Et l’éternuement ? Et l’œil vitreux du voisin ? Allons-nous faire du dépistage au faciès en nous dévisageant comme si nous rencontrions le ressortissant d’une planète hostile ?
Toutes ces questions, les sociétés qui gèrent un réseau dont la fréquentation a baissé de 90 % (à Paris) se les posent et préparent notre retour sous terre en espérant nous éviter de voyager avec l’angoisse en guise de Pass Navigo.
Le virus rendra probablement le métro plus propre, les actes inciviques moins nombreux et la cohabitation plus sereine.
Faisons un pari optimiste. Le virus rendra probablement le métro plus propre, les actes inciviques moins nombreux, la cohabitation plus sereine et ses équipements sanitaires et prophylactiques plus nombreux, les distributeurs de préservatifs ne suffisant pas… Ce qui sera déterminant c’est évidemment la confiance. Et la confiance ne s’obtient que si le métro fait un bout du chemin vers nous. Et nous un bout de chemin vers lui. Alors, on se rencontrera sur la ligne 9 ou la ligne B du RER. Qui sait…
Mais…car il y aura un mai.
Peut-être, tentés par le soleil de ce 11 mai libérateur, choisirons-nous dans un premier temps d’autres modes de transports, plus aérés, plus individuels et moins collectifs.
J’allais dire moins… confinés.