
Tous les mois sur Détours, l'inénarrable David Abiker nous invite à faire une pause avec ses "éditours" dont il a le secret, et où il est question de mobilité, de mouvements et même, un peu, de poésie. Cette semaine, une humeur bien sentie (sic) sur ce virus qui met la planète sur la touche pause.
Si un jour on m’avait dit que je rédigerais la chronique de l’immobilité sur un site dédié à la mobilité à cause d’un virus sorti tout droit d’un film catastrophe, je ne l’aurais pas cru. Assignés à résidence, claquemurés, prisonniers, reclus, enfermés, immobilisés, bref, pas libres de nos mouvements, voilà ce que nous sommes, nous les Mobilettes et les Mobile Hommes…
Depuis le début du 20e siècle notre civilisation mondialisée est celle des transports et de leur accélération. Avant d’être les enfants de la société informatisée et du téléphone mobile, nous sommes d’abord les enfants du train, de l’avion, de la voiture individuelle et du vélo. Nous sommes aussi les enfants de la vitesse, de l’agilité et de la fluidité. Alors imaginez nos sorties régulées, notre vie réduite au plan de nos appartements…
Quand le confinement a été annoncé, les parents ont paniqué. Comment occuper les enfants ? Cette angoisse traduisait surtout leur propre peur. Comment vivre sans aller au bureau, sans démarrer sa voiture, sans prendre un vélo, sans monter dans un bus, sans s’engouffrer dans une bouche de métro, sans prendre un avion, comment vivre et travailler dans un rayon limité. Comment vivre sans bouger ? Autant d’interrogation et d’incertitudes qui échappent aux enfants.
Sur internet, je découvre cette jeune fille confinée qui filme ce qui semble être un hublot par la vitre duquel on devine l’océan, des îles bref, un ailleurs, bleu azur comme la liberté. Voyage, voyage, comme dans la chanson… Et puis le smartphone dézoome et le hublot se transforme en lunette de toilette et la jeune fille n’est plus dans un avion mais chez elle devant son ordinateur.
Cette jeune fille m’a rappelé la manière dont les enfants savent s’évader, la façon dont ils s’inventent un ailleurs. Il y a ces fusées qu’on se bricolait dans un carton, ces radeaux dans la tempête qu’on inventait sur son lit, ces voitures à pédales qui faisaient les 24 heures du Mans autour de la table du salon, nos trains électriques qui s’enfonçaient dans des tunnels fabriqués avec des boites à chaussures. Sans oublier les mouvement de troupes de nos petits soldats, des téléphériques dans l’escalier, des paquebots dans la baignoire et les campings de luxe dans le mobile home de Barbie.
Les enfants savent voyager en faisant du sur place, leurs parents ont plus de mal.