
Trois ans après le passage à 80 km/h sur les routes secondaires, quel bilan tirer de cette mesure très contestée ? "Très positif" dit le gouvernement, "pas si vite" répond la Ligue de Défense des Conducteurs...
Guerre des chiffres. Quand il est question de mobilité des Français, chaque annonce et mesure est sujet à discorde. Celle sur le passage à 80 km/h sur les routes secondaires (à chaussée unique sans séparateur central) n’a pas fait exception. Intronisée le 1er juillet 2018, la loi est rapidement contestée par une grande partie des conducteurs, mais aussi des présidents de 28 conseils départementaux qui soutiennent que cette réduction de vitesse pénalisera encore une fois “les habitants des territoires ruraux“. Lentement, donc, le 80 km/h pourtant s’impose partout, avant finalement qu’un tiers des conseils départementaux ne reviennent au 90 km/h après l’annonce par Edouard Philippe d’un libre arbitrage en local. Moralité : plus personne ne sait à quelle vitesse il faut rouler, en fonction des régions.
Dans ce capharnaüm législatif, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) publiait l’an dernier un premier bilan quant à l’effet du 80 km/h sur la mortalité routière, avec officiellement 331 morts de moins sur la période allant de juillet 2018 à décembre 2019 – avant le premier confinement de mars 2020). Une bonne nouvelle donc, mais remise en question aujourd’hui par la Ligue de Défense des Conducteurs (LDC) dans un rapport accablant.
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S’il y a effectivement eu 331 morts de moins sur la route, la LDC critique la partialité de l’étude en avançant que la réduction de la vitesse ne saurait être le seul facteur expliquant les bons chiffres. Pour Nathalie Troussard, secrétaire générale de la Ligue de Défense des Conducteurs, “avec toutes les précautions liées à ce sujet grave, nous montrons ici, statistiques officielles en main, que lorsqu’elle analyse la baisse de la mortalité depuis l’instauration du 80 km/h, la Sécurité routière réalise un travail partial, ignorant sciemment les autres facteurs pourtant clairement identifiés des accidents, comme l’alcool, les stupéfiants, la somnolence, le téléphone au volant… pour ne retenir que la cause de la vitesse“.

Ainsi donc, dans 50% des départements, les accidents mortels sur la route seraient identiques qu’on aille à 90 ou 80 km/h, et ces derniers auraient même augmenté dans 38 départements depuis la limitation de vitesse en 2018. Qui a raison, qui a tort ? Si tout le monde salue la baisse de la mortalité, les causes en restent pour l’heure floues, et d’autant plus brouillées avec l’année blanche pour la mobilité que fut 2020. Selon un sondage Viavoice pour Coyote, 80% des Français sembleraient un peu perdus sur la limitation de vitesse à 80 ou 90 km/h en fonction des départements. Pas certain que cette guerre des communiqués entre pro et anti 80 km/h permette de mettre tout le monde d’accord.
Crédit photo : Nicolas DUPREY/ CD 78