
Depuis le 15 mars, date d’entrée en vigueur du confinement, la compagnie ferroviaire a perdu 2 milliards d’euros. Un manque à gagner qui vient se rajouter aux pertes colossales de 2018 et 2019, et qui fait craindre a minima des licenciements, au pire, un remaniement complet de l’organisation de l’entreprise.
Le virus qui valait 2 milliards. La pandémie COVID-19 est un drame sanitaire et humain, pour les entreprises liées à la mobilité, c’est aussi un gouffre. Alors que plusieurs compagnies aériennes ont mis la clef sous la porte, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou déclarait le samedi 2 mai que la société du rail avait déjà perdu 2 milliards d’euros en deux mois, à cause du lockout national. Dans le détail, cela représente 700 millions d’euros perdus sur le chiffre d’affaires de mars, et 1,4 million sur avril. Le mois de mai sera à peine plus heureux : à compter du 11, le pays se remettra légèrement en mouvement, mais la SNCF sera contrainte de limiter le nombre de trains en circulation et de condamner des fauteuils (en raison de la distanciation obligatoire). À l’heure actuelle, seulement 7% des TGV continuent de rouler, soit 3000 personnes par jour. Loin, très loin, des 350 000 clients quotidiens.
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La faute au contexte. Souvent critiquée pour sa gestion interne et les mouvements de grève de ses salariés, la SNCF est d’abord victime d’un contexte socio-politique complexe depuis trois ans. La réforme du rail en 2018 puis celle des retraites en 2019 ont certes provoqué des mouvements de manifestation (et pénalisé les clients), et l’immobilisation du pays n’aide en rien l’entreprise à combler le trou vertigineux de 35 milliards d’euros qui freine la compagnie depuis… très longtemps. Outre le manque de rentabilité des TGV (2 lignes sur 3 perdaient de l’argent en 2017 selon l’ancien PDG Guillaume Pepy), l’entreprise paie le prix d’investissements débutés voilà plus de 80 ans pour ferrer le pays, d’abord avec les lignes LGV, puis TGV. Au final, le découvert est plus qu’important, il est abyssal.
La débâcle de la SNCF n’arrangerait personne. Le gouvernement a déjà allégé sa dette de 25 milliards d’euros.
“Ce sont des chocs importants d’une ampleur qu’on n’avait jamais connue“, a récemment confirmé le PDG de la SNCF. Mais, dans le même temps, celui-ci rassurait le 15 avril les sénateurs en expliquant que “les salaires seraient versés et que l’entreprise tiendrait”. Pourtant, la question d’un ajustement du niveau d’emploi semble aujourd’hui se poser et avec elle le poids de la masse salariale d’un groupe employant 270 000 personnes.
#COVID__19 : 2 milliards d'€ de manque à gagner pr la #SNCF … #Farandou donne le ton. Alors attention danger la variable d’ajustement se fera sur le dos du service public, des cheminots et donc de la sécurité #ferroviaire. Que va donc faire l’État? https://t.co/t56Wgp4Fcc
— Malet Natacha (@NatachaMalet) May 2, 2020
Moins de trains, plus de gens sur les routes ? La débâcle de la SNCF n’arrangerait de fait personne. Cela signifierait le retour de la voiture sur les routes, avec son lot de pollution due aux plus vieux moteurs. Sans surprise, l’État actionnaire devrait remettre la main au portefeuille comme il l’a récemment fait avec Air France. Cela viendra en complément de l’allègement de 25 milliards d’euros de dette du groupe, promis par le gouvernement en 2018.
Il fallait au moins ça à l’heure de l’ouverture du rail à la concurrence, prévue courant 2020 en ce qui concerne les billets à grande vitesse (et encore plus l’année prochaine). L’interdiction pour Air France des vols intérieurs de moins de 2h30, voulue par le gouvernement, représente un énième coup de pouce à une société au point mort, au sens propre comme au figuré.