
Le suisse qui voulait devenir le premier homme volant
La vidéo est hallucinante. Au-dessus du Mont Ventoux, à plus de mille mètres d’altitude, entrecalés au beau milieu de huit avions biréacteurs de la Patrouille de France, trois hommes équipés d’une combinaison composée de deux ailes en carbone et de quatre réacteurs volent, leur corps comme unique appareil. À l’initiative de cette folle prouesse, il y a un casse-cou qu’on ne présente plus dans le milieu de l’aviation : Yves Rossy aka Jetman.
Plus loin, plus haut. Tour à tour pilote d’avion de chasse puis de ligne, Yves Rossy a probablement planer avec tout ce qui était à sa disposition dans la vie, du parapente à l’ULM en passant par le saut en parachute. Et pourtant, ce Suisse qui voulait voler comme un oiseau ne trouvait pas l’appareil qui lui conférerait la satisfaction absolue. Alors, tel un Icare des temps modernes, Yves Rossy s’est mis en tête de construire lui-même le dispositif ultime.
Pour le coup, Yves s’est vraiment brûlé les ailes. Son premier prototype, une aile gonflable équipée de deux moteurs a pris feu à cause de la chaleur. Il a donc fallu trouver les bons matériaux (astuce : le kevlar résiste bien mieux à la chaleur) et tester les prototypes. Un, deux, trois… puis bientôt quinze. Des années et des années. Jetman le répète souvent, il a failli mourir à plusieurs reprises, il a raccroché à chaque fois et puis, à chaque fois aussi, il est revenu, trop attiré par le magnétisme du vol. S’en sont suivis bien des exploits à partir de 2004 : traversée au-dessus de la Manche, du Grand Canyon, du Mont Fuji…
À 300km/h dans les airs. Yves Rossy est aujourd’hui arrivé à ses fins : construire l’engin qui rapproche le plus au monde l’homme de l’oiseau. Une fois largué d’un hélicoptère à environ 1 500 mètres d’altitudes, Jetman met en marche les réacteurs de sa combinaison, une manette avec les gaz d’un côté et un bouton avec la radio de l’autre. Les rares qui ont pu l’essayer qualifient l’expérience de « sensation de voler à l’état pur », de sentiment de « piloter un avion sans être dans un cockpit ». L’engin monte jusqu’à 300 km/h et l’aile rigide donne l’impression au porteur d’avoir une extension corporelle de deux mètres dans le dos. Même si le risque zéro n’existe pas, Yves Rossy a tenté d’anticiper autant que faire se peut les avaries potentielles. Il est ainsi possible de larguer l’aile en cas de pépin et de descendre plus « tranquillement » comme un parachutiste.
Aujourd’hui âgé de 57 ans, Yves Rossy confesse sans mal qu’au regard de la condition physique extrême requise par son invention, il ne pourra pas pratiquer indéfiniment. Ces dernières années, il a commencé à transmettre le flambeau. Son premier Padawan a été le Français Vincent Reffet, l’une des sommités du Base Jump, autre discipline qui exige d’avoir l’estomac bien accroché. En volant aux côtés d’un Airbus A380 de la compagnie Emirates au-dessus de Dubaï (le sponsor de Jetman) en octobre 2015, ils ont réalisé ensemble un exploit qui a fait le tour du monde. David et Goliath font de l’aviation.
Histoire que la fête soit plus folle, ils ont à leur tour formé Fred Fugen, un autre base jumper issu de Soul Flyers, la même team que celle de Vincent Reffet. Et voilà comment tous les trois ont réalisé le rêve de bien des wannabe pilotes, en novembre 2016 : voler aux côtés de cette fameuse et mythique Patrouille de France qui ne manque jamais de nous faire rêver à l’occasion du 14 juillet. Y’a pas à dire, ça plane pour eux !