
Transformer un quartier de la ville canadienne en cobaye écolo-technologique dotée de capteurs et de routes intelligentes, c’est l’objectif de Sidewalk Labs, une filiale de l’américain Google. Une révolution pour les uns, un danger pour les autres.
Vers une ville plus intelligente que les citadins. C’est l’histoire d’un petit moteur de recherche de la Silicon Valley qui, en à peine 20 ans, avait réussi à se hisser à la deuxième place des plus grosses valorisations boursières mondiales. Non content de peser plus que certains états, Google avait fait des petits : Gmail, Youtube et, plus récemment, Alphabet, une maison mère englobant toutes les activités du groupe, parmi lesquelles des recherches dans l’intelligence artificielle, la biotechnologie ou encore la santé. Dernière preuve que Google souhaite devenir autre chose qu’une simple page web où l’on taperait des mots clefs : son implication dans les « smart cities », ces villes intelligentes où l’informatique permettrait de mieux gérer les flux de mobilité, d’économiser l’énergie et, donc, d’être plus écologiques et agréables pour leurs habitants.
Truman Show. Cet acteur qui souhaite donc changer la vie, en vrai, a récemment décidé d’investir le quartier de Quayside, à Toronto ; un espace de 50 000m2 près du lac Ontario, où est prévu un gigantesque chantier-prototype qui, s’il est concluant, pourrait être appliqué à toutes les villes du monde. Le concept : développer une ville super-connectée et révolutionnaire où des ampoules LED incrustées dans la chaussée pourrait moduler la taille des pistes cyclables, où des routes chauffantes permettraient de faire fondre la neige pour désengorger le trafic et dans laquelle chaque immeuble disposerait de toits photovoltaïques pour économiser l’énergie. C’est tout ? Non.
Dans cette ville idéale, seuls 20% des foyers possèderaient une voiture, mais tous disposeraient de maisons passives munies de thermostats intelligents ; et lesdits immeubles seraient conçus selon une architecture modulaire, afin d’agrandir ou rétrécir les logements en fonction des besoins. Aucun doute : si le Jim Carrey du Truman Show avait dû vivre quelque part in real life, c’aurait été à Quayside, sorte de ville parfaite où les gens sont heureux, ne polluent pas et paient leur parking d’un simple claquement de doigt, et en fonction de leurs revenus. Le rêve d’une société socialo-écologique, en somme.
“La conception urbaine avant-gardiste peut apporter des améliorations fondamentales à la vie en ville” (Eric Schmidt, président du conseil d’administration de Google-Alphabet)
Erreur 404. Aussi concret soit le projet de Google, validé par le premier ministre Justin Trudeau en personne, il soulève tout de même quelques interrogations. La première d’entre elle, c’est l’inquiétude des spécialistes sur l’utilisation qui sera faite des millions de datas recueillies chez chaque usager pour arriver à faire avancer cette ville intelligente. Qu’adviendra-t-il de nos données, une fois récupérées par le géant Google ? La seconde, et comme le rappelle Mariana Valverde, chercheure en droit de l’urbanisme à l’université de Toronto, c’est que « l’urbanisme relève avant tout du service public, et non d’un acteur privé aux intérêts, disons, plus mercantiles ». Les technologies peuvent-elles transformer positivement nos vies en centre-ville ? La réponse est oui. Doit-on pour cela accepter tout à n’importe quel prix ? La réponse est non. Sans quoi la ville du futur, pour reprendre le proverbe, pourrait devenir trop bonne, trop conne….ctée ?