
Le terme de « flygskam », soit la honte de prendre l’avion en raison des conséquences sur l’environnement, est né en Suède en 2017. Quatre ans plus tard, quel bilan tiré de ce mouvement qui a dépassé les frontières du pays scandinave ?
Si Greta Thunberg n’a pas lancé le mouvement « flygskam » (cette honte de voler), la Suédoise en est, d’une manière, un porte-drapeau essentiel. Devenue l’égérie de la lutte contre le changement climatique à travers la planète, et élue personnalité de l’année en 2019 par le célèbre magazine Time, Greta a commencé à faire parler d’elle en 2018. Cette année-là, elle milite tous les vendredis devant le Parlement suédois contre l’inaction face au changement climatique, aux émissions de CO2, et globalement face au futur de la planète. S’ensuivent des grèves scolaires pour le climat qui dépassent les frontières de la Suède. Partout dans le monde, des collégiens et lycéens manifestent et font entendre leurs voix pour protéger notre planète. Cette jeune suédoise, alors âgée de 15 ans, intrigue. Elle évoque notamment le fait de ne jamais prendre l’avion, et de voyager en train ou en bateau. La raison est simple : l’avion pollue trop.
Un discours prononcé devant les Nations Unies en 2019 fera d’elle une icône. Lors d’un sommet sur l’urgence climatique, elle fait face à une soixantaine de dirigeants du monde entier. Elle monte sur scène et les fustige un par un, dénonçant le manque d’actions concrètes face à la problématique du réchauffement climatique. Cette même année en Suède, face à la montée en puissance des problématiques écologiques que l’on ne peut plus minimiser ou nier, un nouveau terme fait son apparition : flygskam. Il décrit cette honte de prendre l’avion. Un mouvement est né, et incite à utiliser d’autres modes de transport pour se déplacer (le train et le bateau notamment).
Une étude menée par l’International Council on Clean Transportation indiquait, en 2019, que les émissions de CO2 liées au transport aérien avaient augmenté de 32% entre 2013 et 2018. Deux ans plus tard, et une pandémie mondiale qui a cloué au sol des millions d’avions, quel bilan tirer de cette initiative ?
In Sweden, flight shame, or “Flygskam,” has driven a burgeoning boycott of passenger flights.
Suddenly, boasting about that tropical vacation has become deeply uncool https://t.co/1TJDL35Lkk pic.twitter.com/z5v4WsTg02
— Bloomberg Opinion (@bopinion) December 28, 2019
Un impact limité. Avant la crise de la covid-19, en Suède, les effets n’ont pas tardé à se faire ressentir : par rapport à l’année précédente, le nombre de passagers sur les vols internationaux a diminué de 2,2% en 2019. On grimpe à 8,9% pour les vols intérieurs. Le site suédois Svenska mentionne ce chiffre : 1,4 millions de passagers en moins en 2019. Sans surprise, les voyages en train ont augmenté, atteignant un record historique dans le pays la même année (250 millions de voyages). En France par exemple, il n’y a pas eu « d’effet flygskam » en 2019 : « L’activité du transport aérien en France s’est élevée à 179,6 millions de passagers, en hausse de +4,2% par rapport à 2018 », peut-on lire sur ce site. Plus globalement, selon l’Association Internationale du Transport Aérien, le mouvement « flygskam » n’a eu qu’un impact limité en 2019, comme le précise France Info. Encore trop tôt pour mesurer les éventuels impacts. Et malheureusement, impossible de comparer 2019 à 2020 à cause de la pandémie mondiale.
En 2020, selon Eurocontrol, l’organisme européen de surveillance du trafic aérien, les émissions de CO2 produites par le transport aérien ont chuté de plus de moitié en Europe. Pour être précis, elles ont diminué de 56,7%. Une baisse qui s’explique par la pandémie, la diminution drastique des vols internationaux et par l’utilisation d’avions plus récents et économes en carburant, donc moins polluants.
@eurocontrol finds that aviation emissions growth January-November 2020 vs the same period in 2019 stood at -56.7%, compared with traffic decline over the same period of -54.0%.
Breakdown per country below.#sustainableaviation pic.twitter.com/WFMY470Sy5
— Ben Bouzon (@BenBouzon) January 4, 2021
La crise de la Covid-19 n’empêche pas le secteur de prendre des mesures, et aux gouvernements de mettre en place des actions pour réduire les émissions de CO2. Par exemple aux Pays-Bas, certains vols de courte durée comme Amsterdam-Bruxelles sont dans le viseur, surtout qu’une alternative en train est possible. Même son de cloche en France : dans le cadre du projet de loi « Climat et Résilience », l’article 36 prévoit l’interdiction des vols intérieurs sur des trajets où le train est une alternative en moins de 2h30 (à la base, la proposition de la Convention citoyenne pour le climat recommandait l’interdiction de ces vols en cas d’alternative ferroviaire directe de moins de 4 heures). Des trajets comme Paris-Nantes ou Paris-Lyon sont concernés. Un « quota carbone » a également été proposé par les députés François Ruffin et Delphine Batho afin de réduire les voyages en avion, et ainsi limiter la pollution.
En Suède, une nouvelle taxe va entrer en vigueur en juillet 2021. Il s’agit d’un « bonus-malus » en fonction de l’empreinte carbone de l’avion. En gros, si l’appareil pollue trop, les redevances d’atterrissage et de décollage pourront augmenter ou diminuer. Derrière cette mesure, l’idée d’encourager les compagnies aériennes à opter pour des avions moins polluants et énergivores. Il faudra donc attendre que la situation revienne « à la normale » pour tirer un premier bilan du flygskam et de ses conséquences sur les émissions de CO2. Les gouvernements comme les acteurs du secteur aérien savent qu’il s’agit de l’un des enjeux majeurs des prochaines années, et que les efforts doivent continuer pour faire baisser ce chiffre.