
Le prix du pétrole est hors de contrôle depuis l'invasion de l'Ukraine, mais un tel phénomène est déjà arrivé par trois fois dans l’histoire. Chaque fois, la France y a laissé des plumes. Pourtant aujourd’hui la donne est différente. Alors, malédiction ou opportunité pour notre pays ?
Cauchemar à la pompe : le litre d’essence a dépassé les 2 € et ne semble pas vouloir s’arrêter de grimper. En cause, un marché du pétrole ultra-tendu auquel la guerre en Ukraine a mis le feu par craintes de difficultés d’approvisionnement puisque la Russie, frappée de sanctions financières, est le second exportateur mondial d’or noir. Mais il ne faut pas oublier que la hausse des prix avait commencé bien avant l’hiver.
Le prix du baril de pétrole a gagné 66% depuis le 1er janvier 2022 et ne devrait pas descendre avant longtemps.
En effet, si le prix du baril de Brent (unité de référence d’environ 160 litres de pétrole) tournait autour de 45 dollars en 2018, il grimpe jusqu’à 73 dollars en septembre 2021, pour culminer à 128 dollars le 8 mars dernier… Plus de 125 % d’augmentation. Du jamais vu ? Pas tout à fait : ce tarif record est bien inédit mais pas cette situation, qui rappelle furieusement les « chocs pétroliers » des années 70.
Bruno Le Maire: "Le choc énergétique de 2022 est comparable en intensité et en brutalité au choc pétrolier de 1973" pic.twitter.com/qzQY8JxLgs
— BFMTV (@BFMTV) March 9, 2022
Un litre d’Histoire brute. A chaque fois que l’offre mondiale de pétrole s’est brutalement réduite, cela a eu pour effet de faire drastiquement monter son prix sur le marché. Ainsi, quand en 1973 plusieurs pays arabes exportateurs de pétrole (OPEP) décident de baisser de 25 % leur production en pleine guerre du Kippour, le baril passe de 4 à 15 dollars ; une hausse de 400 % en 6 mois. Rebelote en 1979 : la révolution en Iran et la guerre qui oppose celle-ci à l’Irak déstabilise la région. Des oléoducs sont coupés et les prix s’envolent : le prix du baril fait plus que doubler en 1978 et 1981.
Surprise : en 2008 les stations-service recommencent à s’enflammer. Pourtant cette fois, la guerre en Irak n’en est pas responsable. Ce troisième choc pétrolier est une conséquence directe de la spéculation du Brent très demandée par… la Chine. A la bourse, le baril passe de 40 à 140 dollars… Conclusion de ces trois épisodes : c’est bien le marché qui déclenche ces chocs par son poids sur les prix et non les drames qui leur servent de tremplin.
Qu’ont changé les chocs pétroliers ? Habitués à consommer un carburant peu onéreux, les pays occidentaux ont dû apprendre au début des années 80 à conduire moins. L’État français en profite pour interdire les courses automobiles, abaisser les limitations de vitesse sur autoroute, encadrer la circulation des poids-lourds. Les constructeurs réduisent le poids des véhicules et la consommation. Les Français ont aussi souffert d’une inflation généralisée qui a duré et contraint le pays à intervenir pour limiter les faillites et déclencher un ralentissement de la croissance économique. Pile ce que le ministre de l’Économie veut aujourd’hui éviter… « Nous ne devons pas refaire en 2022 les erreurs de 1973 » a-t-il déclaré. Coup de chance, le marché a depuis bien changé.
Un prix record à la pompe. Jamais les prix sont montés aussi haut ⬆️ #chocpétrolier pic.twitter.com/E18OO48Mb7
— Alexis Boudaud Anduaga (@Boudaud2020) March 9, 2022
Pourquoi on peut (mieux) s’en sortir. On a longtemps cru que la demande de pétrole ne ferait que monter, année après année. Prenant tout le monde de court, en 2007, la France s’est mise à acheter moins de pétrole à la pompe. Cela n’était jamais arrivé en trois décennies mais a continué. En 2020, la consommation de produits pétroliers en France avait encore baissé de 16 % par rapport à 2019.
Certes, en 2021 essence et gazole pesaient encore pour 40 % des énergies consommées en France selon l’UFIP. Ajoutez le fioul pour estimer la dépendance pétrolière de l’hexagone, alors même que ce carburant est de plus en plus coûteux à obtenir. « Nous devons inventer un autre modèle de réponse » a déclaré Bruno Le Maire qui souhaite atteindre « l’indépendance énergétique totale de la France et de l’Union européenne ». Et le premier pas a déjà été fait en entamant une transition vers d’autres mobilités.
"Georges Pompidou a fait dans les années 70 une révolution pour la voiture, moi je serai le Pompidou du vélo"@David_Belliard au #GrandOralVelo
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— Jérémie (@jaerem) January 29, 2020
D’abord, une part notable des Français ont profité d’aides pour acquérir des véhicules électriques, hybrides ou fonctionnant au biogaz (produit encore largement importé mais la France s’équipe et possède déjà 1075 unités de production). Les stations essences se font déjà plus rares que les bornes de recharge. Ensuite, le réchauffement climatique a fait prendre conscience du besoin pressant de réduire la combustion des énergies carbonées et certains délaissent déjà l’avion contre le train et la voiture au profit de mobilités douces.
Enfin, en dehors de toute aide aux automobilistes des territoires ruraux, il serait absurde de subventionner les ménages à acheter du pétrole alors que l’État s’est engagé à réduire son empreinte carbone… Finalement, cette crise ukrainienne pourrait être l’accélérateur de la transition, comme les guerres des années 70 ont modelé la conduite des Français.