
Érigée en 1928 dans les Pyrénées, Canfranc était la seconde plus grande gare d’Europe. Mais plus aucun train n'y passe côté français depuis 1970. Heureusement, des volontaires veulent lui redonner vie.
Elle devait être l’Eurotunnel des Pyrénées. Une voie de chemin de fer reliant la province d’Aragon à la France en culminant à 1200 mètres d’altitude. On imagine les locomotives fumantes et les wagons aux boiseries peintes comme un Orient Express ibérique. Le passage sera ouvert par les montagnards, les rails posés par les ingénieurs et la gare de Canfranc bâtie à la hauteur des ambitions des architectes : longue de 240 mètres, sa façade compte plus de cinquante fenêtres et le double de portes donnant sur le massif montagneux. Ses toits sont bombés et nappés d’ardoises bleues.
Comparativement, si 700 000 voyageurs transitent chaque jour par la gare du Nord, l’emblématique façade de celle-ci ne mesure que 180 mètres… Plus qu’une gare, Canfranc était un monument. Un symbole, le trait d’union franco-espagnol qu’on aura mis quatre années à construire. Lors de l’inauguration en grande pompe en juillet 1928, le nom de Canfranc apparaît soudain sur les cartes et compte y rayonner dans toute l’Europe. Sauf que l’Histoire avait d’autres plans.
Voie sans issue. La guerre civile espagnole allait dès 1936 inaugurer une série de fermetures de la voie transfrontalière. La Seconde Guerre mondiale continuerait, alternant les passages et interdictions. Le déraillement d’un train français en 1970 achèvera la chose, entraînant au passage la destruction d’un pont… Les voyageurs ont pris leurs habitudes et optent plutôt pour le car. D’autant qu’avec les années 1950, la démocratisation de l’automobile personnelle va rendre l’utilité de cette gare discutable. Depuis quatre décennies, le bâtiment est classé fantôme. Mais, de même que certains refusent la mort du train de nuit, quelques militants des deux côtés de la frontière s’activent depuis 2015 pour faire rouvrir le noble édifice.
Próxima Estación… Esperanza. L’association Le Creloc propose d’une part l’ouverture d’un centre de recherche et d’un musée dédiés à cette ligne si particulière et sa volonté de synergie internationale. L’École supérieure ESCYRA s’est proposée pour prendre en charge la restauration de ce patrimoine et a déjà présenté un plan d’intervention. On envisage alors de faire revivre ces bâtisses pour en faire un hôtel 5 étoiles, dont l’ouverture est prévue pour 2021. Et bien sûr, les militants demandent la réouverture d’une liaison ferroviaire Pau-Canfranc-Saragosse.
Le dossier de l’ambitieux projet est entre les mains de la Commission européenne qui y prête beaucoup d’attention. De quoi redynamiser cette région et rappeler qu’entre de bonnes mains, le train peut être un puissant lien entre les populations.