
À Châtelet, centre névralgique des transports parisiens, douze caméras « intelligentes » seront à termes déployées pour mesurer l’adoption du port du masque dans le métro. La RATP assure que ce dispositif n’est pas prévu pour la verbalisation. Mais des doutes subsistent sur l’intérêt réel de ce système.
Souriez, vous êtes encore filmé.e. On estime à environ 500 millions le nombre de caméras qui, sur Terre, nous surveillent. Un chiffre avancé dans le documentaire Tous surveillés – 7 milliards de suspects diffusé sur ARTE. Douze de plus peuvent venir s’ajouter au décompte.
Comme l’explique cet article publié par Le Monde, la RATP va tester durant trois mois, à titre expérimental, des caméras munies d’un logiciel de reconnaissance automatique pour mesurer le taux de port du masque dans le métro. Elles permettront d’avoir des données en temps réel et une estimation du pourcentage de voyageurs qui respectent les mesures de sécurité. La RATP assure au journal que ce dispositif est anonyme et que les données ne seront pas stockées. Elle prévoit aussi des annonces, sur des panneaux et aux abords des quais, pour informer les usagers de la présence des caméras. Le choix de cette station n’est pas un hasard, Châtelet étant l’une des plus fréquentées d’Europe.
Pas de flicage. Xavier Fischer, directeur de la société française qui gère ce système, Datakalab, insiste auprès de Next Inpact : « Il n’y a pas de reconnaissance faciale. On fait simplement du comptage. C’est éphémère, on n’a de base de données sur personne. » En résumé, le logiciel installé dans les caméras compte le nombre de visages qui ont un masque ou non. Les six premières caméras ont été mises en route le 6 mai et seraient fiables, d’après les premiers tests, à 90%. À terme, ce n’est pas un chiffre exact mais des tendances qui se dégageront des futures données récoltées par l’entreprise et la RATP.
Avant Paris, Datakalab avait déjà positionné ses caméras à Cannes en avril dernier, là aussi pour détecter le port du masque. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est en ce moment en train d’analyser ce système et n’a pas encore rendu son avis définitif.
Libertés individuelles. La RATP assure que ces caméras sont destinées à compter et ne seront pas un outil pour cibler les usagers non masqués afin de les verbaliser (jusqu’à 135 euros d’amende). « Cet outil d’aide à la décision pourrait permettre de mener des actions de sensibilisation auprès des usagers pour les inciter au respect des règles sanitaires et ainsi assurer la sécurité de tous dans les transports dans le cadre du déconfinement », insiste l’établissement public sur France Inter. Mais plusieurs voix s’élèvent pour alerter sur ce genre de dispositif, notamment Maryse Artiguelong, vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme, toujours sur France Inter : « Ce dispositif ne va servir à rien. S’il faut faire de la pédagogie, faisons-là tout de suite. »
1/ @DatakaLab, le retour : caméras à détection de port du masque à la station Châtelet à Paris. La @RATPgroup et l'entreprise s'allient pour s'assurer que les voyageurs et voyageuses respectent bien l'obligation. https://t.co/IAXR5RITT1
— Technopolice (@technopolice_fr) May 7, 2020
Des questions émergent sur l’utilité réelle des caméras, mais aussi sur les dérives possibles, notamment du côté de la Quadrature du Net, une association de défense des libertés numériques. Sur leur forum Technopolice, on peut lire ce message : « Combien de temps faudra-t-il pour que l’on soit verbalisé grâce aux caméras ? » Sur fond de crise, on habitue aussi les usagers à ces caméras, censées nous protéger. Mais ces technologies se rapprochent de la reconnaissance faciale. Surtout, que deviendront-elles une fois la crise du COVID-19 finie ? Autant de questions qui peuvent nuire à nos libertés individuelles, et qui sont elles aussi à surveiller de près.