
Certaines compagnies aériennes et quelques États agitent déjà la menace d’une vaccination obligatoire pour pouvoir monter à bord des avions et fouler le sol d’un pays. Mais devant l’imprévisibilité du coronavirus, les potentielles mesures sont encore très hétérogènes.
Fièvre jaune, tétanos, typhoïde… Ce n’est pas une nouveauté, de nombreux pays du monde exigent déjà un carnet de vaccination à jour pour pénétrer sur leur territoire (suivant le taux d’incidence de certaines maladies). Et même si le vaccin contre la grippe saisonnière n’est presque jamais nécessaire pour voyager, les taux de contagion et de létalité plus importants du Covid-19 semblent inciter certains États et compagnies aériennes à vouloir se protéger davantage.
Ça pose des questions compliquées ! Peut-on choisir son vaccin en période de pénurie ? À qui « imposer » le AZ/Oxf ? Certaines activités (voyages…) seront-elles réservées à certains vacciné•es ?
— Thomas Burgel (@ThomasBurgel) January 10, 2021
Dans un avenir très proche, les Français qui se promènent hors de nos frontières devront certainement montrer patte blanche s’ils veulent continuer à effectuer des déplacements internationaux. Alors que le vaccin n’est pas encore disponible à grande échelle dans l’Hexagone, et que de nombreux concitoyens expriment leur inquiétude quant au niveau d’efficacité et de sécurité de ce dernier (quand ils ne sont pas carrément “anti-vax”), les propos contradictoires s’entrechoquent.
Alan Joyce, PDG de Qantas, compagnie australienne, suggérait par exemple dès fin novembre de rendre obligatoire la vaccination pour tous les voyageurs internationaux. De quoi faire bondir Alexandre de Juniac, directeur général de l’IATA (Association Internationale du Transport Aérien) : “Les gouvernements ont refermé les frontières dans une réponse instinctive à une mutation virale. Le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne, le Japon ont déjà ajouté les tests à leurs mesures Covid-19, sans supprimer les quarantaines. Ils ont choisi des mesures politiques qui empêchent les voyages […]. Maintenant, on semble viser un monde sans Covid, mais c’est une tâche impossible, qui a des conséquences graves“, se plaignait-il mercredi dans Les Échos.
Sauf que cette politique du doigt mouillé est aussi changeante que le vent de folie qu’elle tente d’appréhender. Suivant les soubresauts de la pandémie, les mesures sanitaires sont sans cesse modifiées, mises à jour, amendées. Résultat, le flou règne. Dans l’UE, six pays sont actuellement accessibles aux voyageurs français (ou transitant par la France) sans aucune condition : le Portugal, la Roumanie, le Luxembourg, la Bulgarie, la Lituanie et la Suède. Certains de leurs voisins exigent un test PCR, d’autres une quarantaine… “Au sein même de certains pays, les conditions d’accès et de déplacements peuvent varier d’une région à l’autre“, ajoutent Les Échos.
Vers un « passeport santé » regroupant tests et vaccins ?
Le ministre français des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, s’est déjà mêlé à ce débat fin 2020, en balayant l’idée d’un vaccin obligatoire pour pouvoir se déplacer : “Ce sont ces vaccins qui nous permettront de recouvrer la liberté, et c’est ça que nous devons soutenir, plutôt que de compartimenter la population en fonction de son caractère vacciné ou pas, déclarait-il début décembre. S’il y a des mesures dissymétriques ici et là, on n’arrivera pas à restaurer la fluidité et la confiance.”
L’IATA préconise plutôt la mise en place d’un “passeport santé” regroupant les éléments essentiels de chaque potentiel globe-trotter. Une idée reprise mardi matin par Jean-Pierre Mas, président des entreprises du voyage. Dans une interview à Europe 1, il a fait campagne en faveur d’un document unique regroupant toutes les informations concernant le Covid-19 : tests, types de tests, fréquence, vaccination ou non… afin que les compagnies aériennes et les gardes-frontières puissent décider individuellement du sort de chaque passager, selon les conditions. Comme pour les visas.
Si le transport aérien, en grande difficulté après l’année noire que fut 2020, cherche de l’oxygène pour pouvoir reprendre un rythme décent (bien qu’EasyJet et Japan Airlines, entre autres, ont indiqué ne pas avoir l’intention de demander de certificat de vaccination à leurs passagers), les États non plus ne voient pas d’un très bon œil le fait d’attendre que l’immunité collective se fasse grâce aux vaccins. Elle pourrait être atteinte à l’automne 2021, voire en fin d’année, même avec le vaccin, selon Anthony Fauci, le très médiatique épidémiologiste en chef de l’administration Trump. Le manque à gagner pour toutes les économies dépendant du tourisme serait colossal, après une annus horribilis de triste mémoire.
Pendant que tout le monde se toise en attendant la fin du tunnel Covid, aucun pays du globe n’a donc encore pris, à ce jour, de décision définitive sur cet épineux sujet.