
Des scientifiques français l’ont démontré en faisant fumer puis conduire des volontaires.
Sans filtre. En 2017, la Sécurité routière a recensé près de 778 accidents de la route mortels parce qu’un conducteur était sous l’emprise de stupéfiants. Contrairement à l’alcool, les dépistages restent compliqués, ce qui empêche de relier directement consommation et conduite, autant pour punir les justiciables que pour prévenir ses effets. Une équipe de chercheurs de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a donc voulu mesurer le véritable impact dans des conditions réelles.
La fumette scientifique. Une trentaine de consommateurs volontaires ont été reçus entre l’hôpital Raymond Poincaré à Garches et Sainte-Marguerite à Marseille pour fumer de véritables joints, méthodiquement préparés. Chaque pétard contenait 10 mg de THC (la substance psycho-active du cannabis) sous forme d’herbe provenant de saisie policière. Mais certains sujets ont reçu des spliffs placebo pour constater la différence. Tous devaient tirer des lattes de 2 secondes, espacées de 40 secondes, le tout pendant 10 minutes. Ensuite, ils s’asseyaient au volant d’un simulateur de conduite.
Plus lents et trop longtemps. Le résultat de l’étude « Vigicann » vient d’être publié et la première conclusion est que le cannabis nuit concrètement à la conduite mais dans des proportions différentes selon qu’on consomme déjà régulièrement. Selon le professeur Jean-Claude Alvarez, auteur du rapport, en fumant de l’herbe « on augmente le temps de réaction, et la conduite est modifiée ». Les fumeurs réguliers (un à deux joints par jour) réagissent 11% plus lentement aux dangers, tandis que les consommateurs occasionnels (jusqu’à deux joints par semaine habituellement) mettent 27% de temps en plus à freiner ou rectifier leur trajectoire.
Autre conclusion, le temps moyen d’effet de la molécule. « Les effets durent 13 heures chez un [fumeur] occasionnel et 8 heures chez un consommateur chronique. » Cela change radicalement la vision légale, puisque les dépistages par la salive aujourd’hui en vigueur, ne peuvent prouver une consommation que si l’automobiliste a fumé il y a moins de 8 heures. Et encore, 5 heures après consommation, un fumeur sur deux ne sera pas repéré au test salivaire. Mais pris ou pas, on peut désormais affirmer qu’il ne faut jamais reprendre le volant après avoir fumé dans la même journée, quoi qu’en disent les stars.