
Si aujourd’hui les vacances à vélo sont devenues normales pour beaucoup de familles, peu d’entre elles osent s’aventurer au-delà de nos frontières. Céline Ohnenstetter-Falempin, autrice du livre "Une famille à vélo jusqu’en Iran", nous prouve par son voyage familial d’un an vers l’Iran qu’avec un petit peu de motivation et du dépassement de soi, la distance importe peu. Rencontre avec une paire de gros mollets.
Vous publiez Une famille à vélo jusqu’en Iran aux éditions du Chemin des Crêtes, l’histoire d’un voyage familial à vélo qui vous a emmené de la France à la Perse. Avant de s’engager dans une telle aventure, étiez-vous déjà parti en vélo-trip ?
Avant d’avoir des enfants, j’ai voyagé en Europe et en Amérique du Sud en solo en stop et mon mari avait quelques baroudages en France à vélo à son actif. À notre rencontre, nous nous étions promis de nous lancer sur des vélo-trips et c’est ce que nous avons fait durant les premières années de notre couple.
L’arrivée des enfants a-t-elle stoppé les voyages ?
Dès que la petite deuxième a eu neuf mois, nous avons commencé tout doucement les vacances à vélo à quatre. Le premier voyage a duré trois semaines durant la période estivale sur la véloroute de la Loire à vélo. Malgré quelques pauses couches et biberons, tout a bien fonctionné et peu après, nous sommes partis 13 mois (en 2015-2016) avec les deux petites âgées d’un an et demi et de cinq ans sur les routes de la péninsule ibérique. Notre dernier périple en 2018-2019 est l’objet du livre, c’est celui qui nous a mené de Lille à Shiraz en Iran.
Pourquoi avoir choisi l’Iran comme destination ?
La Perse m’a toujours attiré, il s’agissait d’un rêve d’enfant. À notre départ, nous nous sommes fixés comme objectif d’atteindre la Macédoine grecque afin de rejoindre des amis pour Noël. Une fois sur place, nous avons décidé de continuer vers l’Iran, nous avions déjà pédalé la moitié du chemin ! À notre départ, nous avions décidé de mettre en location notre maison pour un an, mais nous ne connaissions pas la destination.
Y a-t-il eu des imprévus sur les pistes ?
Nous avons dû faire attention aux saisons car il n’est pas aisé de bivouaquer sous tente dans le froid et la neige ! Vigilance aussi au contexte géopolitique qui demande à adapter notre itinérance au jour le jour : lors de notre arrivée en Arménie, nous voulions visiter le Haut-Karabagh mais nous nous sommes vite ravisés car un conflit pouvait éclater à tout moment. Nous aurions pu rallier l’Iran rapidement en passant par le Kurdistan turc, mais nous avons préféré faire un « petit » détour par le Caucase à travers la Géorgie et l’Arménie pour éviter la région. Il faut toujours rester sur ses gardes même si le comportement des autochtones est toujours bienveillant lorsqu’ils nous voient arriver à vélo avec nos enfants.
“On entend souvent dire que lorsqu’on devient parent, l’aventure est finie ! C’est une fausse excuse”.
En quoi est-ce différent d’un tourisme classique ?
Lorsque nous passons en milieu rural, les habitants ne sont pas habitués à voir des touristes et surtout à vélo. Avec notre équipement, nous n’attirons pas la convoitise, nous sommes à hauteur de villageois et les tabous tombent. L’hospitalité était de mise et grandissait au fur et à mesure que nous nous enfoncions sur les terres d’Orient.
Faut-il un entraînement particulier pour s’engager sur une telle distance ?
Nous ne sommes pas de grands sportifs. On pratique le vélo au quotidien pour se rendre au travail. Voyager de la sorte n’est pas un exploit sportif, il s’agit plutôt d’une course de fond car on pédale entre 60 et 70 kilomètres par jour en moyenne selon le dénivelé. Il faut surtout se préparer psychologiquement car les nuits sous la tente ne sont pas de tout repos. C’est un rythme à trouver.
Partir avec des enfants demande-t-il un équipement particulier ?
Avec le développement de la mobilité douce, on trouve tout ce qu’il faut. Lors de notre premier voyage au bord de la Loire, les petites étaient dans une charrette, attachées et sanglées. Passé deux ans et demi, on ne peut plus les laisser trop longtemps dans une charrette car elles ont envie de prendre l’air et de se dépenser. Nous avons alors fait évoluer le matériel et lors du dernier voyage, la grande âgée de huit ans pédalait sur un vrai tandem avec son père. À cinq ans, la petite a utilisé une roue additionnelle.
Combien avez-vous dépensé sur ce voyage d’un an ?
En Europe occidentale, nous avons dépensé 66 euros par jour pour quatre, 45 euros en Europe centrale et 27 euros en Asie mineure. Ce budget comprend le déplacement, le gîte (principalement sous tente ou chez l’habitant), la nourriture, les visas et les différents achats du quotidien. En tout, pour notre dernier voyage, nous avons dépensé 13 000 euros, retour en avion compris, à quatre.
Quels conseils donneriez-vous aux familles qui ont peur de s’engager dans un tel périple ?
On entend souvent dire que lorsqu’on devient parent, l’aventure est finie ! C’est une fausse excuse. Nous avons beaucoup voyagé avant en couple puis nous l’avons beaucoup fait avec les enfants. Certes, on ne dort plus dans les gares et on ne fait plus de stop, mais d’autres opportunités s’ouvrent avec les populations locales qui échangent plus facilement. Si les enfants se sentent en confiance avec les parents, il n’y a aucune raison que cela se passe mal.
Retrouvez les aventures de Céline, Manuel et de leurs deux filles en lisant Une famille à vélo jusqu’en Iran.