
Bart Jansen est un taxidermiste de l'extrême. Après s'être fait remarquer avec son "chatcopter", l'inventeur hollandais ambitionne désormais de construire un hélicoptère avec une... vache. Comment en est-on arrivé là ? Et pourquoi vouloir faire voler des animaux ? Interview.
C’est une histoire qui commence avec un drame. Un jour de 2012, Orville, le chat de Bart Jansen est renversé par une voiture. Jansen accuse le coup. Plutôt que d’enterrer la bête, il s’en remet à un taxidermiste. Mais à la différence du péquin moyen, le gaillard pousse le délire plus loin. Après tout, Orville était le prénom d’un des frères Wright, pionniers de l’aviation. Autant lui faire honneur : avec Arjen Beltman, un copain ingénieur, ils mettent une hélice au bout de chaque patte du félin et transforment la pauvre bête en drone. Cela va sans dire, Bart Jansen, 37 ans, est un maker un peu déjanté mais qui ne manque pas de suite dans les idées.
Bonjour Bart. Avant de créer votre premier “chatcopter”, aviez-vous déjà un intérêt pour la taxidermie ou tout à commencé à la mort de ce pauvre chat ?
En 2007, j’ai fait un livre sur la faune qui ne s’enfuit pas de la route à temps, The Observers Book of Roadkill, qui m’avait plongé dans le sujet. Au début, je photographiais les animaux morts le long de la route. Mais comme ils étaient tout plats, je me suis dit que je pourrais mettre les animaux eux-mêmes dans le livre. Alors, j’ai appris la taxidermie et ça a donné ce livre qui pèse soixante kilos, dans lequel il y a dix-huit animaux. Chaque page est aussi grosse que la taille de l’animal écrasé.
Est-ce que ça a été difficile de le construire, cet « Orvillecopter » ?
Effectivement. Au fur et à mesure de la construction, il devenait de plus en plus lourd. Au début, le Orvillecopter volait avec le corps, mais quand on a ajouté la peau, il était trop lourd et s’est crashé plusieurs fois. On en est à la troisième version. C’est la même taxidermie mais on a tout changé : l’engin, les batteries, les rotors, etc. Cela dit, les drones taxidermistes m’ont l’air d’être plus solides que les classiques. Ils absorbent bien les chocs. Un jour, Ostrichcopter [même principe, mais avec une autruche, ndlr] s’est crashé et il a juste eu une hélice cassée.
Si j’ai envie d’acheter Orvillecopter ou si je vous demande de transformer mon chien ou chat adoré qui vient de rendre l’âme en drone, ça me coûterait combien ?
Ça va vous coûter cher. Orvillecopter vaut 45 000 euros. Personne ne l’achète, du coup, on fait du merchandishing, des badges, des tee-shirts. Ensuite, je ne fais pas les chats ; Orvillecopter est unique. Je ne fais pas non plus les oiseaux, ils volent déjà. Un type m’a demandé un jour si je pouvais faire ça avec son colibri – ça fait beaucoup de bruit un colibri, vous savez ? – alors, je lui ai proposé de plutôt faire un colibri qui ferait encore plus de bruit. Et si vous m’envoyez votre chien, je ne le ferai pas voler. J’en ferai plutôt un objet pour couper les branches dans votre jardin, ce serait plus drôle.
“Ma prochaine vache-copter aura des fenêtres. Et on pourra même monter dedans.“
Le prochain objectif, c’est donc de faire une vache hélicoptère ?
Je viens de récupérer la peau il y a quelques jours. On veut en faire un vrai hélicoptère, que quelqu’un puisse monter dedans. Il y aura même des fenêtres. Faut compter un humain de 80 kilos disons, plus 60 kilos de matériaux en carbone, kevlar, aluminium pour la structure, plus encore 20 kilos de batteries. Soit 160 kilos. Ensuite, ça doit décoller du sol. Il faut donc du matériel capable d’assurer un lift de 300 kilos je dirais. À cause du poids, ces drones ont une autonomie assez courte. Toutes les cinq minutes, il faut changer la batterie. À priori, on va se servir des jambes pour placer les multirotors. Mais ça va coûter très cher. Dix ou quinze mille euros. Là, je n’ai pas l’argent.
Et c’est toujours un truc que vous avez eu en vous, ce côté maker ?
Oui toujours. Déjà gamin, je fabriquais des maisons mobiles en carton, des petites rampes, etc. J’ai toujours voulu être un inventeur à la Géo Trouvetou. Je fabrique des machines un peu inutiles, mais je mets toujours beaucoup d’effort pour qu’elles existent. Ça commence souvent comme une blague, mais si le lendemain vous allez dans votre studio et commencez à donner du sens au non-sens, là ça devient drôle !